Faux-semblance d’Olivier Paquet

L’année dernière, j’ai eu l’occasion de découvrir Olivier Paquet au travers de son dernier roman Jardin d’hiver (avec une superbe couv’ d’Aurélien Police) et j’ai bien aimé son univers post-apocalypse entre terrorisme écologique et fanatisme technologique. Vous pouvez retrouver ma chronique ici. Du coup, quand j’ai vu le recueil de nouvelles Faux-semblance chez mon libraire, je me suis laissée tenter (surtout que la couv’ est encore signée Aurélien Police… oui je sais je fais une fixation 😉 ).
Faux-semblance d’Olivier Paquet publié chez l’Atalante

Quatre zones de conflit. Entre humains et
extraterrestres ; entre mémoire et oubli ; entre adultes et enfants ;
entre nature déchaînée et ce qu’il reste de la civilisation. Sous les
cieux étrangers de galaxies lointaines, sur des champs de bataille
envahis de cadavres, ou bien face à la vague qui a tout balayé, il faut
imaginer de nouvelles façons d’aller plus loin. Même s’il faut achever
de détruire pour renaître. Les personnages d’Olivier Paquet ne renoncent
jamais. Ce sont avant tout des survivants, des héros abîmés qui tentent
de redonner du sens à leur vie. Grâce à la catastrophe qui les a
laissés nus, ils redécouvrent ce qu’ils sont. Et ils trouvent la force
de tendre la main vers l’autre, l’étranger, pour ouvrir ensemble des
portes.
Je lis peu de recueils de nouvelles et pourtant c’est un style de prose que j’apprécie beaucoup. Je trouve que cela permet de découvrir un auteur d’une autre manière et c’est parfois agréable de découvrir un univers sur seulement quelques pages. Avec Faux-semblance, Olivier Paquet nous propose 4 nouvelles dans un style SF ou Fantastique et je dois dire que le rendu est plus que convainquant.

La première nouvelle : Synesthésie est la nouvelle la plus longue. Dans un univers SF, qui arrive à se révéler dense en peu de pages, on part sur une planète lointaine assiégée par des extraterrestres plus qu’hostiles dans une ambiance de guerre galactique. Sur cette planète où des humains vivent en harmonie avec les autochtones, les vaisseaux arkosiens menaçants demandent l’ouverture de « la porte » au gouverneur humain. Cette « porte » piloté par une IA peu commune et qui permet aux humains et à ceux qui les accompagnent de voyager de planète en planète, va faire l’objet de négociation entre le représentant des Arkosiens et le gouverneur de la colonie. Sachant que le voyage à travers la porte est lié au sentiments, aux émotions qui rattachent l’humain et l’individu qui l’accompagne. Cette nouvelle se révèle pleine d’interrogations sur l’avenir de l’humanité et son rapport aux espèces radicalement différentes d’elle, mais aussi extrêmement sensible dans la description de la recherche de la connaissance de l’autre.

Le deuxième nouvelle : Rudyard Kipling 2210, une nouvelle de SF qui fait écho à l’histoire du poète – écrivain Rudyard Kipling qui perdit son fils à la guerre à l’age de 18 ans et qui devint alors commissaire aux sépultures de guerre. A l’époque de la nouvelle, l’humanité est en guerre avec les Rôdeurs mais les batailles spatiales sont rares et la plupart des zones de conflits se situent au sol où les soldats sont des fantassins. Dans cette guerre, Rudyard Kipling est commissaire aux sépultures de guerre, charge à lui de fournir des sépultures à ceux tombés au front. Olivier Paquet nous parle ici de la perte d’êtres chers et de la difficultés d’aller de l’avant après ces tragédies. C’est peut être la nouvelle qui m’a le moins convaincue, le thème sonne juste mais les personnages un peu moins.

L’odeur du champ de bataille est toujours la
même : écœurante et triste. Le parfum de la chair
brûlée et la fragrance de la mort sont persistants : ils
perdureront, même lorsque les stigmates des combats se seront
effacés. Je devrais m’y habituer, mais jusqu’à ces
dernières années, je n’avais jamais eu l’occasion de
venir après la victoire. Désormais, c’est mon
métier. 

La troisième nouvelle : Cauchemar d’enfants nous présente une société (futuriste ?) où les enfants ont littéralement pris le pouvoir. Dans cette société, les adultes ont pour obligation de pourvoir à tous les « besoins » de leurs enfants : nombre de jouets offerts par mois, temps passé devant la télé ou l’ordinateur, nourriture, vêtements tout doit être fait pour la satisfaction des enfants. Dans cette nouvelle, nous suivons un policier adulte et son supérieur un adolescent de 14 ans appartenant à la police parentale. Ils enquêtent sur les délits liés aux droits des enfants : revente de jouets au marché noir, détournement d’allocation donnée par le conseil des enfants… Certains adultes les pratiquent pour pouvoir se payer quelques distractions pour « vieux ». J’ai trouvé cette nouvelle presque terrifiante par les décisions immatures prises par les enfants et le climat de peur et de résignation ressenti par les adultes. Un univers poussé à l’extrême qui se montre dérangeant surtout avec sa petite note de vérité sous-jacente.

La quatrième nouvelle : Une fille aux pieds nus nous parle avec beaucoup de sensibilité et de douceur d’une ville ravagée par un tsunami, de ce qui se passe une fois que la vague est repartie. Nous suivons une jeune fille qui après la dévastation, déambule dans les décombres. Elle croise d’autres rescapés à la recherche de proches pour finalement errer jusqu’au plus proche poste de secours. Un récit court et poignant sur ses familles que la catastrophe a séparé, sur cette injustice qui frappe sans prévenir. Un récit finalement très actuel et émouvant où Olivier Paquet sait donner un ton très juste à son récit.

La ville entière avait disparu dans un amas de débris, avalée par la mer, et digérée, recrachée au même endroit. Il n’avait fallu que vingt minutes pour raser les maisons, détruire les batiments centenaires, dans un fracas de briques et de bois. Vingt minutes de chaos au son des sirènes et des hauts-parleurs égrainant des conseils de sécurité. L’eau noire et dense, s’était infiltrées dans les rues, pourchassant les mini-vans qui tentaient de la fuir. […] La cité s’était brisée dans un tonnerre de craquements, dépecée par une lame à l’acier sombre et aux reflets d’écume.

Au final, un très bon recueil. J’ai beaucoup apprécié de découvrir la plume d’Olivier Paquet dans le style de la nouvelle qui lui va très bien. Les quatre nouvelles de ce recueil sont chacune une interrogation sur l’humanité et ses capacités à s’adapter et à comprendre l’autre. Avec un ton souvent très juste, Olivier Paquet nous offre des récits SF / Fantastique d’une belle sensibilité que l’on a plaisir à lire.

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