La Fleur de Dieu de Jean-Michel Ré

Les parutions chez Albin Michel Imaginaire se suivent mais ne se ressemblent pas. J’ai été happé par American Elsewhere de Robert Jackson Bennett, scotchée par Les étoiles sont légion de Kameron Hurley et déstabilisée par La cité de l’orque de Sam J. Miller. La plongée dans le premier tome de la trilogie de Jean-Michel Ré a été une nouvelle aventure dont je ne suis pas sortie indemne…
 

An 10996.



Dans les déserts suspendus de la planète
sacrée Sor’Ivanyia, un des dix-huit mille mondes de l’Empire, pousse la
Fleur de Dieu. Ce remède à de nombreux maux est aussi un vecteur
privilégié pour accéder au divin. Grâce à la Fleur de Dieu, l’Homme sait
désormais ce qui advient de la mémoire après la mort.



Alors qu’un impitoyable seigneur de la
guerre fomente un coup d’état, la formule chimique de la Fleur de Dieu
est dérobée par une organisation anarchiste paradoxalement très
organisée. Au même moment, l’apparition sur Sor’Ivanyia d’un enfant aux
pouvoirs extraordinaires bouleverse toutes les certitudes scientifiques
et religieuses de l’Empire.



Qui est cet enfant ? Est-il seulement humain ? Est-il ce Messie que certaines religions ont cessé d’attendre ?
An 10996. Ce chiffre vous donne déjà une idée du dépaysement que va être cette lecture. Nous voici projeté dans un lointain futur de l’humanité. L’homme est maintenant guidé par un Empire qui regroupe plus de 18000 planètes. Dans cet Empire, l’équilibre des forces se fait entre l’Empereur et ses Seigneurs de guerre, Les Scientistes qui veillent sur la Fleur de Dieu et sa composition miraculeuse ainsi que les Religieux et leur ascendant impitoyable sur les populations. Et bien sûr, pas d’Empire sans Rébellion ! 
Dans ce panier de crabe cosmique très régenté, l’Enfant est une anomalie sacrilège qui va bouleversé l’équilibre des forces. D’autant plus que d’autres ont également entrepris de bouger leurs pions dans un jeu politique où la Fleur de Dieu est un enjeu vital.
« Le XXIe siècle aurait dû être spirituel selon les aspirations de certaines classes sociales de cette époque lointaine. Mais loin d’une spiritualité cathartique, ce siècle a surtout été celui d’une religiosité exacerbée qui a plongé certains peuples dans les abimes d’obscurantisme culturel et social ainsi que dans les nasses des théocraties totalitaires fleurissant dans ses périodes troublées.
En ajoutant à cela les différents renversements de valeurs tant sémantique que sociologiques ou idéologiques orchestrés par les tenants du néolibéralisme, on aboutit à la définition de l’essence même de l’être humain et de son existence…
Ainsi, a pu se construire de toute pièces, sur la base des expériences passées, un État totalitaire hyperpolicé où la surveillance de la personne est devenue omniprésente et perpétuelle, enfouie jusqu’au plus profond de nos pensées.
Ainsi, également, a-t-on pu inventer, pour les masses, des loisirs et des buts artificialisés à l’extrême, aptes à faire oublier ne serait-ce qu’un instant l’oppression définitive à laquelle est voué l’être humain…
Nous avons là toutes les pièces assemblées pour préparer la période sombre de l’Empire universel, période durant laquelle les droits de l’homme ont été bafoués avec un cynisme et une violence jamais observés auparavant dans l’Histoire »

La fleur de dieu de Jean-Michel Ré est le premier tome d’une trilogie de Space Opera. Ce premier tome est déroutant par plusieurs aspects. Tout d’abord, pour moi par son format court, seulement 282 pages et ensuite, par la présence d’un glossaire de plus de 40 pages. Glossaire qui m’a posé un cas en tant que lectrice… je n’aime pas faire des allées-retours entre le glossaire et ma lecture, à partir de là, j’avais deux options : feuilleter le glossaire avant ma lecture ou après. Personnellement, j’ai préféré lire La fleur de Dieu « en aveugle » pour ne mettre mon nez dans le glossaire qu’à la fin. Chaque lecteur choisira ce qu’il préfère. Un choix toujours délicat avec ce type de récit pour ne pas que la lecture se transforme en chemin de croix.

Une fois mon choix fait, c’est un véritable plongeon dans un univers complexe qui m’attend. Nous n’en avons clairement pas les clés dès le départ et il faut se laisser porter sans se poser « trop » de questions dans un premier temps. Jean-Michel Ré a choisi de composer son récit de courts chapitres en alternant les points de vues d’une dizaine de personnages. Il a également rajouté à chaque début de chapitre de courts extraits comme autant de pièces de puzzle à rassembler. Un début de lecture qui m’a rappelé le début d’une autre saga : Hypérion de Dan Simmons, même sentiment de perte de repères, même envie de comprendre le fonctionnement de cette « nouvelle » humanité.  
La fleur de Dieu reste pour moi un tome d’introduction, très dense et ambitieux. Jean-Michel Ré  nous propose de découvrir une culture humaine qui semble s’être développée autour de la religion, du génie génétique et des secrets apportés par La Fleur de Dieu. Je dis « semble » car même à la fin de ce premier tome, peu de choses se dessinent entièrement et les zones d’ombres sont encore nombreuses, notamment ce qui concerne la Fleur de Dieu. Je suis même un peu restée sur ma faim, et oui 282 pages pour développer un tel univers, présenter les principaux personnage et démarrer une intrigue c’est court. Mais j’avoue, le mélange politique/religion/science finement imbriqués, ça fait toujours son petit effet sur moi. J’ai eu l’impression d’être face à une énigme dont on me donnait des indices goutte à goutte pour savoir si j’arriverai à recréer l’ensemble du puzzle !

 » Soixante-six siècles séparent l’année 2023, date à laquelle le laboratoire de génie génétique Byotec révéla l’existence des dix premiers clones humains, alors propriété de la firme qui finançait les recherches du groupe de scientifiques, et qui pourtant se trouvaient parfaitement intégrés aux sociétés contemporaines de l’évènement, de l’année 8654 où l’on vit pour la première fois un clone, propriété exclusive e l’Ordo, dire « non » à un ordre direct. Soixante-six siècles jalonnés d’esclavagisme, de violation des droits du vivant, de définitions des droits de l’homme de plus en plus restrictives, de totalitarisme biologique et social qui vont se voir balayés par ce simple « non » prononcé par UHD 236 ( tout à fois son nom et son numéro de série), vénéré aujourd’hui dans tout l’Univers sous le nom de Namchkohtt. » 

Il m’aura fallu plusieurs jours pour digérer ma lecture et savoir si je l’avais vraiment apprécié. J’en suis arrivée à la conclusion que La fleur de Dieu est un roman que je vais surement aimer… dès que j’aurais lu la suite. Autant pour certaines séries, je n’ai pas de problème à faire des chroniques tome par tome autant avec cette lecture, je sens que c’est une chronique sur l’ensemble de la trilogie qui me botterai le plus ! Simple problème de chroniqueur…

Tout cela pour vous dire qu’avec ce premier tome, Jean-Michel Ré nous expose un univers dense et complexe qui se reflète dans un magnifique premier chapitre tout en images et en sensations qui propulse littéralement le lecteur vers l’avenir lointain de l’humanité. Avenir où religieux, politiciens, scientistes et rebelles placent tous leurs pions sur le grand échiquier cosmique sans se douter que d’autres joueurs peuvent se mêler à la partie. Il y a de l’envergure dans ce livre de Space Opera telle qu’elle ne tient pas entièrement dans ce premier tome ! Mais l’aventure semble mériter le détour et cette lecture prenante est une belle promesse pour la suite.

Je remercie Albin Michel Imaginaire pour ce SP. Le deuxième tome, Les Portes Célestes paraitra le 30 Octobre 2019.

 

8 commentaires

  1. Tu as dit le mot magique : Hyperion, l'une de mes meilleures lectures de SF. Alors je prendrai le titre mais sûrement quand tout sera dispo en français pour pouvoir enchaîner vu le peu de pages des tomes ^^

    • Mdr 😂
      Mais bon je n’ai comparé avec Hyperion que pour parler de ce moment au debut du livre où il y a tellement de termes ou de mots que tu ne connais pas que tu es completement paumé… mais que tu veux en savoir plus ! C’est le côté « commun » des deux livres 😉

  2. J'ai fait comme toi pour le glossaire. Je pense qu'autrement m'aurait empêché d'apprécier ma lecture perso, et le contexte était suffisamment clair pour appréhender de quoi il était question, et j'ai trouvé intéressant de le lire après.

    • Voilà, exactement pareil que toi ! Perso les allers-retours entre le récit et le glossaire c'est le meilleur moyen pour que je laisse tomber le livre ^^

  3. Les différents points de vue ne sont pas trop gênants ? J'avoue que la narration alternée avec trop de personnages, c'est pas trop mon truc 🙂

    • Perso, ça ne m'a pas gêné. Je dirais même qu'ici l'univers étant assez complexe, les points de vue différents permettent d'appréhender plus vite les rapports de force et les intrigues que l'auteur met en place. Je dirais que ce choix fait que c'est pas en un tome de moins de 300 pages qu'on s'accroche aux différents personnages…

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