La ligue des écrivaines extraordinaires : Interview de Christine Luce

Le mois de l’Imaginaire commence et je vous ai concocté quelques surprises tout au long du mois ! Premier article avec Les Saisons de l’étrange qui sont de retour pour vous jouer un mauvais tour XD…ou pas ! Pour cette nouvelle collection, c’est un casting 100% féminin qui nous est proposé pour une nouvelle collection toujours aussi pulp ! Comme sur le blog, j’aime bien mettre les autrices et leurs projets en avant, j’etais obligée de vous parler de la Ligue des écrivaines extraordinaires !
5 romans écrits par 5 écrivaines, pour révéler les agentes de la Ligue

C’est donc une nouvelle collection en devenir qui vient d’arriver sur Ulule. Une collection pour présenter cinq romans écrits par cinq écrivaines qui s’annonce déjà inratable quand on aime le pulp et les histoires vien ficelées. Un superbe casting, où l’on trouve :
  • Nelly Chadour (Espérer le soleil chez les Moutons électriques)
  • Marianne Ciaudo
  • Bénédicte Coudière 
  • Élisabeth Ebory (La Fée, la pie et le printemps chez les éditions ActuSF)
  • Cat Merry Lishi (la série Imago chez les Saisons de l’étrange)

Une collection dirigée par Christine Luce (déjà responsable de deux anthologies : Bestiaire humain et SOS Terre et Mer) et toujours avec les très beaux graphismes de Melchior Ascaride.

Tout se passe pour le moment sur Ulule où le projet atteint d’or et déjà 120%, mais vous avez encore jusqu’au 11 Octobre pour faire tomber les paliers les uns après les autres et découvrir les secrets de la ligue des écrivaines extraordinaire.



Et pour vous parler de cette collection, qui de mieux placer que la directrice de collection ? Voici une courte interview de Christine Luce qui a bien voulu prendre de son temps pour répondre à quelques questions.


Chut Maman Lit : Je commencerai bien par la question bateau :
Une petite présentation de vous pour débuter ?


Christine Luce : Je travaille pour l’édition, les activités
littéraires des coulisses, et parallèlement, j’écris des romans, des nouvelles
et des essais et j’illustre parfois avec des collages, tout cela dans le
domaine de nos imaginaires littéraires ou artistiques, publié dans le cadre
professionnel des livres ou des revues. J’ai hélas un peu abandonné mes
recherches bibliographiques par manque de temps, il y a de beaux restes sur le
site de l’Amicale des Amateurs de Nids à Poussière, un nom de baptême évocateur,
n’est-ce pas. Je suis aussi anthologiste, dernièrement pour SOS Terre et Mer,
un livre indépendant et une action solidaire en faveur de SOS Méditerranée qui
me tiennent à cœur, que l’on peut toujours se procurer sur le site des Moutons
électriques, notre diffuseur bénévole. À présent, je m’engage dans la direction
de collection avec la Ligue des écrivaines extraordinaires pour les éditions
Les Saisons de l’étrange/Moltinus.

Dans mon autre existence, j’ai une famille, des amis chers, un
jardin, deux chats et beaucoup de livres, la chance de vivre un quotidien
chaleureux.


CML : Dans la première saison des Saisons de l’étrange, je m’étais
fait la remarque que les autrices brillaient un peu par leur absence. Dans la
deuxième saison, ce sont deux autrices qui ont ouvert le bal des publis et
maintenant, c’est une collection 100 % féminine qui nous est proposée.
Pouvez-vous nous raconter un peu le cheminement qui a conduit à cette idée de
collection ?


CL : À brûle-pourpoint, je dirais que c’est le cheminement logique
dans notre paysage littéraire du XXIe siècle, avec des étapes imposées par la
force d’inertie. Le fait même que tout le monde l’ait remarqué et en parle
démontre à quel point cette force d’inertie pèse avant de céder, même lorsqu’on
œuvre pour s’en dégager dans un esprit militant. Nous y sommes soumis malgré
nous, hommes et femmes, sans raison précise à part une routine créée par nos
très mauvaises habitudes.

Collaborant depuis de nombreuses années avec les Moutons
électriques, et maintenant avec Les Saisons de l’étrange, je nous sais tous
plus qu’ouverts à la parole féminine. En réalité, ces éditions sont demandeuses
de cette diversité qui ne peut qu’améliorer notre culture à tous… dans le fond,
j’en suis la démonstration, non ? Mais il existe un double écueil, l’un
provoqué par la ligne éditoriale qui réclame un certain type de romans, l’autre
déclenché par les écrivaines peu enclines à en écrire. C’est pendant la
conception de la Ligue que l’idée initiale a renversé cette force d’inertie,
nous jouerions le jeu de notre univers littéraire jusqu’au bout : les
écrivaines extraordinaires et leurs héritières d’aujourd’hui aux commandes de
leur propre destin.

Dès ce moment, les éditeurs Melchior Ascaride, Mérédith Debaque et
Vivian Amalric se sont retirés dans le domaine de leurs compétences
respectives, et ils sont doués : voir les visuels et les superbes
couvertures, les maquettes élégantes, sans oublier l’aspect de la gestion, un
véritable casse-tête. Le projet littéraire m’est revenu en toute indépendance
jusqu’à son accomplissement, y compris le défi d’ouvrir la publication à de
nouvelles venues. Depuis, sans intervention extérieure, je le porte pendant le
financement participatif orienté à ma manière, en équipe, avec la collaboration
active de chacune des autrices.


CML : Est-ce que dès le départ vous envisagiez de ne présenter que
des textes inédits pour ce nouveau projet ?


CL : Oui, le concept de la collection innovait sur plusieurs
plans, en commencer la publication avec des rééditions l’aurait affaibli. En
réalité, la question ne s’est pas posée pendant la conception, publier des
inédits coulait de source.


CML : Vous êtes donc « seule » aux manettes de cette nouvelle
collection, ce que je trouve aussi intimidant qu’une belle marque de
reconnaissance, et je suis curieuse de savoir comme
nt les cinq écrivaines sont
arrivées sur ce projet ?


CL : Seule au gouvernail de la direction littéraire, mais loin
d’être isolée sur le navire ! Je parle beaucoup d’équipe éditoriale, car
nous fonctionnons de cette manière, en prenant en charge individuellement nos
tâches, celles qui relèvent de nos compétences, mais sans leur attribuer une
quelconque supériorité dans le projet qui nous emmène en voyage ensemble.

Je sais bien que l’image d’Épinal insiste presque grossièrement
sur le rôle impitoyable du capitaine, seul maître à bord après un dieu cruel
pour lequel il se sacrifiera si son bateau naufrage. C’est très émouvant dans
les récits, mais, d’après moi, sujet à critique : l’équipage est tout
aussi indispensable à la navigation et ne court pas moins de risque que son
capitaine. De plus, la position traditionnelle de celui-ci en éventuelle
première victime (ce qui est encore à prouver) du courroux divin ne l’autorise
pas à appliquer son bon vouloir et ses règles personnelles parce qu’il fait son
boulot.

Pour en finir avec la métaphore maritime, non, les éditeurs ne
sont pas des dieux cruels et, plutôt que capitaine, barreuse conviendrait mieux
à mon rôle dans cette aventure où chacun assure sa part de responsabilité, y
compris les autrices. Partager les responsabilités n’est pas forcément plus
confortable, évidemment, puisqu’il induit un dialogue permanent, mais j’estime
ce mode de fonctionnement nettement plus valorisant pour nous tous et pour le
projet. En nous accordant une confiance réciproque et en nous en remettant aux
compétences, et aux talents créatifs, les uns des autres, je suis convaincue
que nous améliorons notre part individuelle autant que la somme commune.

Il me semble que la marque de reconnaissance des éditeurs des
Saisons de l’étrange s’inscrit plutôt dans notre accord sur cette manière de
travailler ensemble — nous n’en sommes pas à notre première collaboration.
C’est plutôt une marque de reconnaissance à double sens vers un point de
rencontre. 🙂

Le choix des écrivaines extraordinaires fut houleux, quand je me
souviens de la tempête de cerveaux pour élire les dames de nos pensées — bon
sang, cette image de traversée au long cours m’influence ! Rien de dramatique,
bien au contraire, nous avons défendu nos couleurs avec passion et beaucoup de
rigolade. C’est au cours de cette phase que les grands principes de la Ligue se
sont affinés, d’ailleurs, et ont développé la logique interne de l’univers en
cours de formation.

Dans cette logique, Ann Radcliffe demeurait le point de départ
évident, héroïne du roman de Paul Féval, Ann Radcliffe contre les vampires,
publié précédemment par les Saisons de l’étrange, lequel avait inspiré l’idée
de la nouvelle série à Melchior, Mérédith et Vivian. Jane Austen a suivi pour
avoir écrit Northanger Abbey, sous la forme d’un pastiche des romans
gothiques, et en particulier ceux d’Ann Radcliffe. L’importance de Frankenstein
dans l’imaginaire collectif exigeait la présence de Mary Shelley et le destin
romanesque des sœurs Brontë autant que leur influence littéraire ne pouvait
s’ignorer. Madame Leprince de Beaumont, ambassadrice et recruteuse d’écrivaines
pour la Ligue dans notre univers fictionnel, révélera en temps voulu, selon le
succès du financement, un aspect biographique largement méconnu malgré sa
réputation mondiale, ce qui lui vaut sa place de ferment dans notre recette de
pulp. La relève… nous n’avons pu nous empêcher de la créer et de la présenter
au public, un défi supplémentaire, avec des figures impressionnantes de la
littérature : Virginia Woolf et Orlando, Selma Lagerlöf et son Merveilleux
Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède
mais également ses contes
fantastiques, et la sulfureuse Renée Dunan, encore insaisissable jusqu’à ces
dernières années.


Bien d’autres écrivaines extraordinaires se sont bousculées dans
l’antichambre de notre collection, et nous ne désespérons pas d’en raconter
plus tard leurs histoires secrètes, avec le soutien du public, qui a lui aussi
sa part de responsabilité, n’est-ce pas. 🙂


CML : Une petite dernière pour conclure : qu’aimeriez-vous
que les lecteurs retirent ou retiennent de cette expérience pulp 100 %
féminine à la française ? 


CL : Que les lecteurs retiennent la date de clôture du financement
(le 11 octobre) et participent à notre expérience en s’offrant notre
collection pulp ! Ils en retireraient plusieurs romans distrayants de
la boîte à lettres à leur porte.

Je ne plaisante qu’à moitié en répondant au pied de la lettre, car
notre motivation est la même que celle de tous les écrivains depuis qu’ils
existent : écrire et être lu, la collection de la Ligue des écrivaines
extraordinaires ne déroge pas à ce désir. J’aimerais beaucoup en être capable,
mais je ne peux pas prévoir ce que les lecteurs en retireront, chacun reçoit
les mots de manière différente. Par contre, s’ils veulent bien exaucer mon vœu,
je souhaite qu’ils retiennent l’expérience elle-même, ce qu’elle ajoute au
paysage des littératures sans rien retirer à personne.

N’oubliez pas,  ous avez jusqu’au 11 Octobre pour participer et tout se passe sur Ulule : la ligue des écrivaines extraordinaires !

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