✨ Le livre de M de Peng Shepherd

Lors d’une nouvelle sortie des éditions Albin Michel Imaginaire, c’est devenu un rituel, je me demande ce que nous a concocté Gilles Dumay cette fois-ci. Avec Le livre de M de Peng Shepherd, j’avais noté un livre post-apo mais pas que… quand on est comme moi #teampostapo, comment ne pas être tentée ?

Que seriez-vous prêt à sacrifier pour vous souvenir ?

Un jour, en Inde, un homme perd son ombre – un phénomène que la science échoue à expliquer. Il est le premier, mais bientôt on observe des milliers, des millions de cas similaires. Non contentes de perdre leur ombre, les victimes perdent peu à peu leurs souvenirs et peuvent devenir dangereuses.

En se cachant dans un hôtel abandonné au fond des bois, Max et son mari Ory ont échappé à la fin du monde tel qu’ils l’ont connu. Leur nouvelle vie semble presque normale, jusqu’au jour où l’ombre de Max disparaît…

En Inde, un jeune homme perd soudain son ombre… le comment et le pourquoi reste un mystère mais ce que tout à chacun découvre c’est que peu à peu il perd également ses souvenirs. Ce qui au début était une anecdote dans un pays lointain, se transforme rapidement en pandémie qui ravage les pays les uns après les autres. Une maladie de l’oubli qui non seulement ronge la mémoire des personnes atteintes mais semble remodeler la réalité en fonction de ce que les sans-ombre se souviennent.

Dans ce monde en déliquescence, Peng Shepherd nous propose de suivre quatre personnages entre flashback et road movie à travers l’est des Etats-Unis. Il y a tout d’abord Ory et Max qui se sont réfugiés dans un hôtel de la ville d’Arlington puis Naz, une championne de tir à l’arc iranienne venue s’entrainer pour les jeux olympiques aux USA et enfin un homme totalement amnésique après un très grave accident de voiture. Un panorama de personnage pour un roman qui va entrainer le lecteur de l’Inde à Boston et de Washington à la Nouvelle Orléans alors que le monde s’effondre sur lui-même.

Il y avait bien sur quelques tentatives de donner à ce mystère une explication scientifique. D’ailleurs, il existait même un début d’élucidation. Un détail astronomique obscur que Rojan avait expliqué à sa sœur. Tous les ans, à une date fixe et dans certains pays, les ombres en effet disparaissaient.

Le livre de M est le premier roman de Peng Shepherd. Que l’autrice ait choisi un thème post-apocalyptique pour ce roman est somme toute osé sachant que ce genre pêche souvent par un schéma trop répétitif : tout le monde n’est pas Max Brooks ou Mira Grant. Mais là où je comprends l’engouement que le roman a eu aux USA, c’est qu’effectivement Le livre de M ce n’est pas seulement un livre de post-apo. De manière habile, l’autrice flirte aussi bien avec la SF qu’avec le Fantastique et même la Fantasy. A la frontière des genres de l’imaginaire elle nous propose un roman à l’atmosphère crépusculaire où l’espoir est une arme à double tranchant.

Le thème de la mémoire, de l’importance des souvenirs dans notre vie est particulièrement poignant. Avec une atmosphère très travaillée qui joue beaucoup sur l’urgence, et des personnages qui petit à petit perdent tout ce qui les définit, le roman est marqué par une ambiance de fuite en avant de plus en plus pressante au fil des pages. Mais il reste toujours cette pointe d’espoir,  comme une utopie encore possible à l’horizon et qu’il faut atteindre avant… avant l’oubli, avant la fin de soi et des autres, avant que le monde lui-même n’oublie.

Le pire, vous savez ce que c’est ? finit par articuler Hemu.

L’amnésique leva les yeux.

C’est oublier quelque chose et se souvenir du fait que vous l’avez oublié.

Il tripotait le bord de sa tunique.

J’aime mieux quand ça va de pair : non seulement on oublie, mais en plus on oublie qu’on a oublié. C’est plus grave, au fond, mais c’est moins cruel.

J’ai particulièrement aimé la diversité des personnages dans ce récit même si j’ai trouvé que tous les personnages principaux n’étaient pas au même niveau. J’ai eu beaucoup de mal à suivre Ory qui m’a semblé plus d’une fois absurde dans ses décisions, alors que d’un autre coté Max est un personnage beaucoup plus profond et attachant tout comme Naz et l’amnésique. Une faiblesse qui a fait que j’ai eu un peu de mal à rentrer dans l’histoire dans les cent première pages mais qui se gomme au fur et à mesure que les autres personnages prennent de l’ampleur.

Le livre de M est un roman remarquablement novateur où l’imaginaire est maitre. Une imagination qui guide les sans-ombre, modèle la réalité et transforme l’inéluctable en possibilités. A travers la recherche d’identité, l’autrice aborde le thème de la religion, de l’entraide et de l’amour. Il est incroyablement touchant de découvrir ces personnages qui se perdent eux-même et en ont conscience et leur proches impuissants devant la force de l’oubli. La survie se révèle aussi bien une bataille contre les autres que contre soi-même.

Attends, j’appuie sur le bouton… vas-y, tu peux le dire, là.

« Bleu »

Cinquante-deux.

Deux semaines après avoir fini ce roman, je cherche encore à mettre des mots sur mon ressenti. Le livre de M de Peng Shepherd est un livre profondément original, une lecture marquante et surement un des romans de l’année à mettre absolument dans votre wishlist. Parce que c’est un roman plein d’humanité et bienveillant qui nous parle de la puissance de l’imagination : un fable contemporaine dont le lecteur ressort changé. Un beau livre à n’en pas douter.

10 commentaires

    • Exactement, même si à la fin de la lecture je ne savais pas très bien si j'avais aimé ou pas… atypique c'est le mot !

  1. Tu veux dire que c'est plus que du post-apo ? O=)
    C'est au contraire loin d'être mon genre de prédilection, mais je ferai une exception pour celui-ci tant les retours sont bons et tentants.

    • C'est devenu un running gag cette expression XD
      Mais en fait le post-apo est assez secondaire dans ce roman, ce sont les personnages et leurs rapports à leur souvenirs qui est au centre du roman.

  2. Moi aussi, j'ai aimé les personnages, l'ambiance, l'imagination extraordinaire et bien traitée pour un premier roman 🙂

  3. Je ne suis pourtant pas fan de ce genre de voyage mais tu me donnes très envie parce que ça a l'air très bien écrit et marquant.

    • Il est tellement spécial ce livre, difficile à mettre dans une case mais une lecture marquante, ça c'est sur !

Laisser un commentaire