Diversité et SFFF : 6 romans à découvrir

A l’occasion du mois de l’Imaginaire, je vous propose un nouvel article avec des lecteur.ice.s / blogueur.se.s invités pour vous présenter un livre qui les a marqué sur un thème donné. Pour ce nouvel article, j’ai voulu parler de Diversité dans les littératures de l’Imaginaire.

Personnellement, c’est cette année que j’ai vraiment pris conscience de l’importance d’avoir des romans qui proposent une vision plus inclusive, des romans avec une « vraie » diversité dans les personnages et leurs récits. Des livres comme Binti de Nnedi Okorafor, Le livre de M de Peng Shepherd ou Le chant des cavalières de Jeanne Mariem Corrèze sont des romans, parfois ownvoice, avec des personnages racisés, des personnages LGBTQIA+ qui font partie de ceux qui ouvrent de nouvelles portes aux récits SFFF (je vous ai déjà parlé du bijou de SF et de Diversité qu’est Mes vrais enfants de Jo Walton ? 😉 ) ce qui est, je pense, grandement indispensable.
A ma petite échelle, je vous propose sur le blog, une sélection de romans tagués Diversité ici.

Si vous avez des questions sur la diversité et l’inclusivité dans les romans SFFF, je vous propose deux sites à visiter sans modération : Planète Diversité et Fantastiqueer.

Pour parler de ce thème, j’ai invités cinq lecteur.ice.s à vous présenter d’un livre SFFF parlant de Diversité et qu’iels ont particulièrement apprécié.

La première personne à avoir accepté l’invitation est Elessar du blog L’imaginarium électrique.

Paru aux éditions Aux forges de Vulcain puis aux éditions J’ai Lu et traduit de l’anglais (USA) par Francis Guévremont

L’incivilité des fantômes est un space opéra se déroulant dans un vaisseau générationnel. Les passagers les plus aisées, vivent sur les ponts supérieur, sont plus oisif, ont accès à plus de ressources et sont blanc. Plus on descend, plus on y trouve des peaux foncés, de l’exploitation et de la misère. Dans ce contexte, un quotidien fait de conflit, de peur, d’agression, mais aussi d’entraide, on va suivre la trajectoire d’Aster, une femme des ponts inférieur prise sous l’aile du chirurgien de bord pour l’assister.

Rivers Solomon est un.e auteur.ice noire et non binaire, et cela à de l’importance dans son récit car on sent que la voix qui porte tout le roman est concerné par les sujets abordées. Iel livre ici un roman cru et violent qui adresse frontalement les problèmes de racisme structurel, les discriminations de genre et d’orientation sexuelle. Aster est une femme mais qui ne correspond pas aux critère majoritaire, elle ne se sent pas maternelle, s’est fait faire mastectomie et hystérectomie et a une carrure plutôt masculine. Le chirurgien lui ne se retrouve pas dans un rôle masculin qui lui est imposé par une famille mortifère.

L’incivilité des fantômes est un roman politique dans le sens où il adresse des sujets sociaux fort en prenant parti. C’est un roman puissant, qui choque mais qui ne fait pas dans le voyeurisme ou dans le pathos à outrance car c’est avant tout un roman sur la résilience, sur la combativité des opprimés, un roman de révolte qui propose un changement de paradigme et qui n’oublie jamais l’essentiel, nous conter une histoire.

Résumé : Aster est une jeune femme que son caractère bien trempé expose à l’hostilité des autres. Son monde est dur et cruel. Pourtant, elle se bat, existe, et aide autant qu’elle le peut, avec son intelligence peu commune, ceux et celles qu’elle peut aider. Mais un jour, un type la prend en grippe. Et Aster comprend qu’elle ne peut plus raser les murs, et qu’il lui faut se tenir grande. Sa rébellion est d’autant plus spectaculaire qu’elle est noire, dans un vaisseau spatial qui emmène les derniers survivants de l’humanité vers un éventuel Eden, un vaisseau où les riches blancs ont réduit en esclavage les personnes de couleur. Un premier roman qui prend pour prétexte la science-fiction pour inventer un microcosme de l’Amérique, et de tous les maux qui la hantent, tels des fantômes.

La deuxième personne à avoir accepté l’invitation est Manon du blog Ombre Bones.

Paru aux éditions l’Atalante et traduit de l’anglais (USA) par Marie Surgers.

Quand on me parle de diversité en SFFF, je pense immédiatement aux romans de Becky Chambers. Cette autrice de science-fiction américaine est le porte étendard de la diversité (selon moi en tout cas) et elle l’aborde à travers un angle qui me parle : celui de la normalisation. Dans ses écrits (comme la trilogie du Voyageur chez l’Atalante ou plus récemment la novella Apprendre, si par bonheur du même éditeur), personne ne s’étonne de voir des personnes LGTBQIA+, chacun vit comme iel l’entend. Il n’y a ni sexisme ni hétérocentrisme, ni discrimination d’aucune sorte et c’est un type de récit que j’aimerais voir plus régulièrement car cette manière de concevoir cette notion de représentation lui donne, à mes yeux, beaucoup plus de force.

Lien vers la chronique complète de Manon sur son blog.

Résumé : « Nous n’avons rien trouvé que vous pourrez vendre. Nous n’avons rien trouvé d’utile. Nous n’avons trouvé aucune planète qu’on puisse coloniser facilement ou sans dilemme moral, si c’est un but important. Nous n’avons rien satisfait que la curiosité, rien gagné que du savoir. »
Un groupe de quatre astronautes partis explorer des planètes susceptibles d’abriter la vie : hommes et femmes, trans, asexuels, fragiles, déterminés, ouverts et humains, ils représentent la Terre dans sa complexité.

Troisième invitée, Nadège du site Planète Diversité.

Paru aux éditions Nathan et traduit de l’anglais (Irlande) par A. Guitton.

A la tombée du ciel est un roman fantastique qui nous emmène en Irlande où les anges ont commencé à tomber du ciel juste après la mort de la mère de Jaya (coïncidence ou pas?). Certains pensent que c’est un signe, d’autres imagent déjà que la fin du monde est proche. Le père de Jaya, lui, est obsédé par ces créatures dont personne ne sait rien et veut absolument en capturer une. Mais c’est Jaya qui va tomber nez à nez avec un ange et tout faire pour le protéger avec l’aide de deux nouveaux amis.

Avant d’être une histoire avec des êtres surnaturels c’est d’abord un roman très beau sur le deuil, la famille et la guérison. Côté diversité, on a une héroïne lesbienne sri lankaise et irlandaise et son love interest est une fille bi avec une maladie chronique et ça, ça fait toujours plaisir à lire ! Un roman à dévorer pour les ados comme pour les adultes, pour celles et ceux qui qui ne cherchent qu’une petite touche de fantastique et celles et ceux qui adorent ça.

Lien vers la chronique complète de Nadège sur son site.

Résumé : Cela aurait pu être une météorite annonçant la fin du monde. Mais ce sont des anges qui ont commencé à tomber du ciel. Face à ce phénomène, chacun réagit à sa manière. Pour Jaya, 16 ans, difficile de ne pas y voir un signe : sa mère est morte quelques jours plus tôt. Entre ce deuil et un père obsédé par l’idée d’attraper un ange, elle n’arrive pas à faire la paix avec elle-même. Lorsqu’un ange croise sa route, elle va devoir se reconstruire et réapprendre à faire confiance.

Quatrième invitée pour cette article : Shaya du blog Les lectures de Shaya.

Paru dans la collection Nouveaux Millénaires des éditions J’ai Lu et traduit de l’anglais (USA) par Racquel Jemint

Planetfall d’Emma Newman est un planet-opera qui parle de colonisation d’une planète lointaine, mais ce sont bien là ses seules caractéristiques en rapport avec le genre. Non, la véritable thématique de ce roman, c’est la descente aux enfers du personnage principal, Renata. Amante de Lee-Suh Mih, fondatrice de la colonie disparue qui a vu en cette planète l’endroit où se cacherait la « Cité de Dieu », Renata est une bisexuelle de couleur, la quarantaine, et atteinte d’un TOC qui l’empêche de jeter quoi que ce soit.

On trouvera aussi du fanatisme religieux et une interrogation sur la vie en communauté très intéressante, mais Planetfall m’a surtout marqué par le personnage de Renata. Il est encore trop rare aujourd’hui de rencontrer un personnage principal dans la quarantaine, atteint d’une maladie mentale tel que les TOCS, très courants dans la vie réelle, mais peu visibles en littérature. Planetfall n’est pas un roman de science-fiction classique, plein d’action, mais il n’en est pas moins absolument passionnant. Il est publié aux éditions J’ai Lu, et bien qu’un second tome soit disponible, cette histoire est indépendante.

Lien vers la chronique complète de Shaya sur son blog.

Résumé : Touchée par la grâce, Lee Suh-Mi a reçu la vision d’une planète lointaine, un éden où serait révélé aux hommes le secret de leur place dans l’Univers. Sa conviction est telle qu’elle a entraîné plusieurs centaines de fidèles dans ce voyage sans retour à la rencontre de leur créateur. Vingt-deux ans se sont écoulés depuis qu’ils sont arrivés là-bas et qu’ils ont établi leur colonie au pied d’une énigmatique structure extraterrestre, la Cité de Dieu, dans laquelle Lee Suh-Mi a disparu depuis lors. Ingénieur impliquée dans le projet depuis son origine, Renata Ghali est la dépositaire d’un terrible secret sur lequel repose le fragile équilibre de la colonie, qui pourrait voler en éclats avec l’entrée en scène d’un nouveau membre, un homme qui ressemble étrangement à Suh-Mi, trop jeune pour faire partie de la première génération de colons…

Dernière invitée pour cet article : Eva (@meor sur Twitter) libraire chez Les mots à la bouche.

Paru aux éditions de l’Olivier et traduit de l’anglais (USA) par Hélène Papot

Paru presque trop discrètement, le recueil pourtant très repérable (ce vert!) de Carmen Maria Machado aux éditions de l’Olivier, est une rencontre épatante avec une autrice lesbienne qui revisite et investi comme peu les codes du fantastique… et les maîtrise, à ma plus grande joie.

Tout au long de ses nouvelles, comme le titre peut nous l’indiquer, le corps sera un élément moteur tout autant que la psyché de ses personnages, toutes femmes. (Notons d’ailleurs que le titres anglais joue d’un double sens perdu dans sa traduction : « Her bodies and other parties » où « parties » peut aussi bien référer à des célébrations festives mais aussi d’autres morceaux/composantes de cette personne, qui d’ailleurs, a perdu son marqueur de genre très signifiant, pour le possessif masculin lié au mot « corps »)

Au travers de ces nouvelles entre fantastique et SF, elle nous montre de façon particulière les fêlures les plus tenaces de ses personnages, sans jamais être cruelle, et parfois même avec un humour bien légèrement grinçant. A l’aide d’une plume précise et de différents procédés, Carmen maria Machado nous entraîne dans une exploration  toute en tension entre des personnes à forte identités – celles de femme, de mère, de recluse, de malade, de bisexuelle, de lesbienne – et leur proche environnement, physique, social et mental, tour à tour étrange, fantastique, monstrueux, et menant parfois à la réconciliation, parfois à l’horreur… et toujours saisissante. Une réussite, et assurément une autrice dont on ne peut que souhaiter la traduction du roman paru l’an passé : « In the dreamhouse ».


Résumé : Un ruban vert autour d’un cou est un détail qui a de quoi intriguer, surtout quand la femme qui le porte refuse qu’on y touche, y compris son mari. Que cache ce refus ? Ce ruban est-il une métaphore, un symbole, ou bien plus concrètement la marque d’un danger qui rôde ?
Voilà le genre d’histoires que renferme Son corps et autres célébrations.
Les relations entre hommes et femmes, et le rapport des femmes à leur propre corps, sont au cœur de ces nouvelles qui ont fait l’effet
d’une petite bombe lors de leur parution aux États-Unis. On y croise des femmes qui font l’«inventaire » de leurs amant(e)s alors qu’autour d’elles, un fléau ravage les États-Unis, d’autres qui découvrent avec effroi les secrets d’une boutique de robes, ou qui ont de (très) mauvaises surprises après une opération visant à perdre du poids. Les nouvelles de Carmen Maria Machado ne sont d’aucun genre : tour à tour fantastiques, fantaisistes ou proches de la science-fiction, elles préfèrent le trouble à la certitude, l’ombre à la clarté. Elles partagent cependant une ambition commune : dire la réalité de l’expérience des femmes et la violence qui s’exerce sur leurs corps. Mais aussi, et surtout, leur désir.

Paru chez Gallimard et traduit de l’anglais (Nigeria) par Marguerite Capelle

Cet hiver, deux proches – qui ne se connaissent pas – m’ont parlé d’un roman les ayant particulièrement touchés, qui venait tout juste d’être traduit en français, entremêlant le fantastique et les questions d’identité. Cela ayant piqué ma curiosité, j’ai attendu patiemment le déconfinement pour me le procurer et les en ai remerciés.
Ce roman est « Eau Douce » d’Akwaeke Emezi, auteurice trans non-binaire Nigeriane. Ce récit brouille subtilement les limites entre roman auto-fictionnel et roman fantastique intimiste, autour de la figure de l’enfant ogbanje (dans la spiritualité Igbo) qui, dans son roman, abrite plusieurs esprits.

Utilisant des codes subtils du roman choral, Akwaeke Emezi nous permet de suivre la vie de « L’Ada » vu par la cohorte d’esprits qui l’habitent, et leur façon de semer le trouble ou de lui permettre de naviguer dans une vie parsemée d’épreuves, en grande partie Etats-Unis. Bien que particulièrement laissée en proie à ces esprits, on comprend vite qu’Ada souffre principalement de la cruauté de ses semblables et, du monde qui l’entoure qui lui est particulièrement hostile. De sa particularité et de ses différents traumas, ressurgiront différentes forces spirituelles (littéralement) qui devront tour à tour vivre en et avec l’Ada… questionnant à la fois nos approches (occidentales) de l’identité, du trouble mental et du genre. De l’individualité, en somme.

Sans trop en dire, j’ai surtout envie d’insister sur la force particulière de ce roman, son intimité, sa noirceur, qui arrive à n’être jamais écrasante, violente mais sans complaisance, ce d’autant plus pour ce premier roman . Eau Douce nous propose de suivre la quête tumultueuse d’une paix intérieure, à l’équilibre fragile.

Résumé : Au Nigéria, dans la cosmologie igbo, lorsqu’un enfant est dans le ventre de sa mère, il est façonné par des esprits qui déterminent son destin. Mais à la naissance de la petite Ada, les portes entre le monde des humains et celui des esprits se sont temporairement ouvertes, le temps pour ces derniers de s’immiscer dans le corps de la fillette et de s’y trouver bloqués.
Un pied dans le monde des vivants, un pied dans le monde des esprits, Ada va ainsi grandir envahie par un cortège de voix qui vont se disputer le contrôle de sa vie, fractionnant son être en d’innombrables personnalités.
Mais lorsque Ada quitte son berceau géographique pour faire ses études aux États-Unis, un événement traumatique d’une violence inouïe va donner naissance à un nouvel esprit, beaucoup plus puissant, beaucoup plus dangereux. Ce nouveau «moi» prend possession d’elle et se nourrit de ses désirs, de sa colère et de sa rancœur. La vie de la jeune fille prend alors une tournure de plus en plus inquiétante, où la mort semble devenir une séduisante échappatoire.

J’espère que cet article vous a plu et qu’il vous aura donné envie de lire un ou plusieurs des livres présentés. Merci aux invités qui ont joué le jeu et n’hésitez pas à recommander vous même des livres en commentaire.

6 commentaires

  1. Merci beaucoup pour cet article et ces partages 😀. C’est vrai que depuis que j’ai lu des autrices comme Ada Palmer, Jo Walton, Nnedi Okorafor ou Becky Chambers, c’est compliqué de revenir à des oeuvres moins inclusives. En tout cas, je ressens de suite la différence.

    • Je suis complètement d’accord ! Perso, ce sont des autrices qui ont modifié ma perception des récits de SFFF.

    • Merci beaucoup. Je suis contente que cet article t’ait donné envie de découvrir un des romans 😉

Laisser un commentaire