💛La Maison des Jeux de Claire North

Deuxième trilogie, après celle de Molly Southbourne de Tade Thompson, a être publiée dans la collection Une Heure Lumière des éditions Le Bélial’, La Maison des Jeux de Claire North est une lecture à ne pas rater.

Le serpent de Claire North

Dans la Venise du XVIIe siècle, il existe un établissement mystérieux connu sous le nom de Maison des Jeux, accueillant deux ligues. Dans la ligue basse, des fortunes se font et se défont en jouant aux échecs, au backgammon ou à n’importe quel autre jeu. Ceux que favorisent la chance ou le talent sont parfois invités à concourir dans la ligue haute… Là, le jeu de cache-cache se déroule à l’échelle d’un pays, les pièces des échecs sont de véritables individus, les cartes impliquent de manipuler de véritables personnes ; c’est une ligue où les enjeux sont des souvenirs ou des années de vie… ou bien plus encore.
Tout le monde n’est pas digne de concourir dans la ligue haute. C’est le cas du mari de Thene, homme aigri qui a dépensé la dot de son épouse dans l’alcool et les dettes de jeu. Thene, quant à elle, fait preuve de bien plus de présence d’esprit, raison pour laquelle on l’invite à rejoindre cette ligue haute. Mais elle doit toujours se rappeler que plus les enjeux sont élevés, plus les règles sont dangereuses…

Venise XVIIe siècle : pas le siècle le plus féministe qui soit : Thene, fille de marchand, subit un mariage arrangée qui lui a permis de s’acheter un titre au sein de la cité et a permis à son mari de récupérer une dote généreuse. Au fil des années, elle tente de maintenir sa maison à flot avec un mari qui boit et joue le moindre ducat gagné. C’est en le suivant un jour qu’elle entre dans la Maison des jeux et nous avec elle. Alors que son piteux mari ne joue que pour perdre l’argent qu’il n’a pas, Thene, elle, observe, elle observe et elle joue. C’est alors que la Maison des Jeux la remarque et lui propose de rejoindre un jeu d’une tout autre ampleur dont le gagnant pourra intégrer la Haute Loge de la Maison des Jeux.

Mais nous anticipons. Le temps, pour ceux d’entre nous qui jouent à la Maison des Jeux, s’étire comme une pâte pétrie : les fibres se fendent, se déchirent, mais nous persistons et la partie se poursuit.

Venise est un panier de crabe, et le Jeu ne fait qu’amplifier les enjeux de pouvoir au sein de la Sérénissime. Un Jeu à l’échelle d’une ville qui pourrait aussi bien l’être à l’échelle d’un pays ou du monde et où les pions sont des personnes. Cachés derrière leurs masques, les joueurs sont des metteurs en scène qui tentent habillement de déployer leur jeux. Le Serpent nous permet d’entrapercevoir La Maison de Jeux et d’être spectateur du Jeux des Rois auquel Thene est invitée à participer.

Le lecteur est ici un témoin privilégié du Jeu, l’autrice nous prenant régulièrement à partie lors des différents mouvement des joueurs alors que ceux-ci jouent leurs cartes et placent leurs pions. L’autrice rend à la fois son récit immersif, mystérieux et très prenant. Thene est un personnage fascinant, intelligente et rusée, on s’attache à ses pas souhaitant que son prochain coup soit décisif.

 » Etes-vous en train de gagner votre partie ?
– Non.
– Pouvez-vous gagner ?
– Peut-être.
– Aimez-vous votre pièce, le roi auquel il vous faut obtenir une couronne ?
– Non.
– Que voulez-vous, si vous gagnez ?
– La Liberté. La liberté que seule procure la victoire. »

Le Serpent est une novella totalement captivante. Sans être un récit dont vous êtes le héros, le lecteur est impliqué dans son déroulement, que l’on sent hors norme mais dont les implications sont encore floues. Un énorme coup de cœur pour moi et une lecture du deuxième tome dans la foulée.

Le Voleur de Claire North

Depuis des siècles, il existe un établissement mystérieux connu sous le nom de Maison des Jeux. Un établissement qui accueille deux loges. Dans la basse, des fortunes se font et se défont face à un échiquier, devant une table de backgammon ou n’importe quel autre jeu. Ceux que favorisent la chance ou le talent sont parfois invités à concourir dans la haute loge… Là, le jeu se déroule à l’échelle d’un pays, les pièces du plateau sont de véritables individus, les cartes impliquent la manipulation de véritables personnes ; dans cette loge, les enjeux sont des souvenirs, des compétences, des années de vie… voire bien davantage encore.
Bangkok, 1938. Remy Burke, membre de la haute loge, reprend conscience après une nuit trop arrosée et se souvient qu’il a parié avec Abhik Lee, joueur redoutable, un bien précieux : sa mémoire.
Le jeu qui déterminera le vainqueur ? Une partie de cache-cache, Lee ayant un mois pour trouver Burke ; après quoi les rôles seront inversés. Le plateau de jeu ? La Thaïlande toute entière. Burke doit donc se cacher comme il le peut… ce qui n’est pas chose aisée quand on est un Européen à la forte carrure. D’autant que Lee dispose de tous les moyens possibles pour traquer sa proie…

Nouveau plateau, nouveau jeu, nouveau joueur.
Plusieurs siècles après la partie que nous avons suivie à Venise, nous retrouvons la Maison des Jeux qui a pris ses quartiers à Bangkok. Remy Burke n’est pas un novice au sein de la Maison des Jeux et pourtant, après une soirée trop arrosée, il se retrouve pris dans une partie qu’il n’a pas vu venir : un cache-cache à l’échelle de la Thaïlande et c’est à lui de se cacher.

Comme Rémy, nous sommes donc attirés à Bangkok et demeurons assis, observateurs invisibles, en attendant de voir quel nouveau sort va accabler notre joueur qui essuie sur ses lèvres le reste des excès de la nuit et se laisse glisser jusqu’au sol devant la fenêtre.
« Qu’ai-je accepté ? » demanda-t-il enfin.

Alors que le Jeu des Rois de Venise tenait de l’échiquier politique, le jeu de cache-cache à l’échelle de la Thaïlande est le récit d’une chasse à l’homme haletante. Il est impressionnant de suivre Rémy pas à pas à travers ce pays que je ne connais pas mais dont j’essaye de cerner les particularités pour tenter d’imaginer le prochain mouvements de nos deux joueurs. Différent mais tout aussi immersif, ce deuxième récit nous en apprend plus sur les jeux et les enjeux de la Haute Loge et sur le fonctionnement de la Maison des Jeux.

Nous baissons les yeux depuis le ciel et, entre les feuilles de la foret qui se balancent, chuchotant telle une mer de galets, nous ne voyons pas Rémy.
Le matin, le pisteur trouve l’endroit où il a dormi, mais le feu est mort depuis longtemps, et le fugitif s’est mis en route au lever du soleil, escaladant des rochers nus sans laisser de traces où un homme pourrait dire que son pied s’est posé.

Le voleur est, au final, un récit très différent du Serpent, de par son atmosphère et son personnage principal mais que j’ai trouvé tout aussi prenant et intriguant. Certains personnages apparaissent dans les deux récits et en tant que lecteur/observateur, on commence à entrapercevoir la toile que la Maison des Jeux tisse sur le monde à travers les joueurs de la Haute Loge et les enjeux encore plus grands qui semblent se jouer. Que l’autrice arrive à faire d’une simple partie de cache-cache un jeu de survie, de vitesse et de stratégie à une échelle nationale, c’est savoir écrire avec talent et celui de Claire North est indéniable. Talent qui lui permet également de faire participer ses lecteurices en les impliquant dans son histoire aux cotés de ses joueurs de génie ce qui rend son récit toujours plus captivant.

Vous l’aurez compris, ce deuxième tome est également un coup de cœur. J’attends maintenant le dernier tome avec énormément d’impatience. Si je suis bien l’idée, le prochain plateau de jeu devrait, au moins, être le monde !

Le Maitre de Claire North

Depuis des siècles, il existe un établissement mystérieux connu sous le nom de Maison des Jeux. Un établissement qui accueille deux Loges. Dans la Basse, des fortunes se font et se défont face à un échiquier, devant une table de backgammon ou n’importe quel autre jeu. Ceux que favorisent la chance ou le talent sont parfois invités à concourir dans la Haute Loge… Là, le jeu se déroule à l’échelle d’un pays, les pièces du plateau sont de véritables individus, les cartes impliquent la manipulation de véritables personnes ; dans cette loge, les enjeux sont des souvenirs, des compétences, des années de vie… voire bien davantage encore.
De nos jours. Le joueur connu sous le surnom d’Argent a défié la Maîtresse de Jeu elle-même. Fini, les intrigues de cours : c’est désormais le Grand Jeu, à côté duquel les jeux précédents, comme gagner une élection ou jouer à cache-cache à travers un pays entier pour sauver sa mémoire, semblent dérisoire. Le globe terrestre est désormais réduit aux dimensions d’un échiquier, à travers lequel Argent doit tracer sa voie s’il veut vaincre son adversaire. Ici, les deux protagonistes jouent pour le contrôle de la Maison des Jeux, et ont pour pièces non des personnes mais des armées entières, des factions, des organisations, des nations même. Le résultat de cette partie déterminera l’orientation du monde ; plus rien ne sera désormais comme avant…

Moins d’un siècle après Le Voleur, Le Maitre montre toute la dimension que peut prendre le Jeu. Argent vient de défier la Maitresse de la Maison des Jeux. Celle-ci est donc temporairement fermée alors que se joue Le Jeu Ultime de la Maison des Jeu. L’enjeu est la direction de la Maison des Jeux et de la Haute Loge, le plateau de jeu est le Monde, les pions sont innombrables et les dégâts collatéraux sans limite. Pas de temps imparti, la dernière partie a duré 40 ans, juste une partie d’échec : faire chuter le roi pour gagner la partie.

Quatre semaines plus tard, un joueur de nom de Rémy Burke, qui me devait un service, s’assit à mon coté dans un bar de tapei, posa le coude sur la table, le menton dans la main, et déclara : » Dis-moi que tu n’as pas accepté de jouer aux échecs avec la maitresse des Jeux.
– Tu préfères une dure vérité ou un agréable mensonge ? » répondis-je.

Dans ce troisième tome, l’histoire est racontée à la première personne et nous suivons le meilleur joueur de la Maison : Argent contre la joueuse la plus puissante, celle qui décide, la Maitresse des Jeux. Un jeu à l’échelle planétaire où les pions sont un ministre, un général, la NSA ou un sénateur : démesure et grandeur pour faire tomber le roi de l’adversaire. Dans ce dernier tome, l’autrice met tous ses personnages sur le plateau et nous propose un final grandiose, à la hauteur de son récit intelligemment tissé.

Un sous-marin sombre dans l’Antarctique. Un avion de ligne est abattu au-dessus de la Géorgie. Le Mexique balance au bord de la guerre civile. Des nationalistes extrémistes arrivent au pouvoir en Espagne et commencent à expulser ou emprisonner leurs ennemis. Une guerre de religions se déclenchent au mali. La Russie interrompt la fourniture de gaz à l’UE. Troi attentats-suicides coutent la vie à deux cent onze marines américains dans l’état de Washington. deux premiers ministres sont assassinés et un président meurt dans des circonstance suspectes. Le taux d’intérêt de la Réserve fédérale tombe 0,1 pour cent, et six banques s’effondrent, emportant avec elles deux cent quatre-vingt mille prêts, cinq cent soixante-dix-neuf mille pensions et, une fois comptés tous les investisseurs anéantis, presque quatre-vingt mille emplois.
Ces évènements-là – et d’autres, tellement d’autres – se seraient-ils produits sans la jeu ?
Peut-être.
Mais probablement pas.

Peut être moins extravagant dans son style que les précédents tomes, l’effet de surprise est passé, mais tout aussi captivant dans son déroulé, Le Maitre propose une intrigue très prenante tout offrant aux lecteurs beaucoup d’informations sur la Maison des Jeux et l’histoire de sa Maitresse. De bout en bout, cette novella m’a tenu en haleine et j’ai trouvé la fin juste excellente.

La trilogie de la Maison des Jeux se place parmi mes meilleures lectures de la collection Une Heure Lumière. J’ai été bluffée et totalement conquise par l’histoire que nous conte Claire North : c’est brillant et captivant. Une lecture coup de cœur de bout en bout que je vous recommande très chaudement.

La Maison des Jeux de Claire North

Traductions de : Michel Pagel
Illustrations de : Aurélien Police

6 commentaires

  1. J’ai bien aimé aussi, c’est une chouette trilogie de novellas. Ma chronique sera beaucoup plus brève par contre 😅

  2. Ton coup de cœur rejoint le mien 🙂 Et j’ai aussi trouvé la fin assez chouette.

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