Dubrowski dans un univers alternatif qui ressemble trait pour trait à
notre présent. Le monde, en proie à une guerre globale dont nul ne
connaît plus ni les causes ni les camps, fonce droit vers son
Armageddon. Dubrowski, acteur et narrateur de cette descente aux enfers,
est un agent russe infiltré à Londres sous l’identité d’un antiquaire
polonais. Cynique, lucide, lyrique, souvent désabusé, il tient le
journal de ses aventures et incursions en zones amies ou hostiles,
ravagées par l’effroi, la trahison et la mort. C’est un Ulysse
désenchanté qui parle, passant au fil des épisodes du rôle d’espion
mondain à celui de vétéran bardé de cicatrices chevauchant avec la
cavalerie cosaque. Toute la puissance narrative et morale de Moorcock se
concentre dans ces textes intenses, où s’enchaînent les images
d’apocalypse, les visions d’horreur à la Goya, ponctuées de miraculeux
instants de paix et d’inoubliables portraits de femmes dont les
souffrances, la force d’âme, la résilience font contrepoint à la folie
meurtrière des hommes.
Le recueil a le bon gout d’avoir un index, ce que je trouve indispensable pour ce type de livre. On y trouve donc six nouvelles :
- Danse à Rome,
- Escale au Canada,
- Rupture à Pasadena,
- Kaboul,
- Incursion au Cambodge,
- Le retour d’Odysseus.
Le tout est justement illustré par Miles Hyman dont j’ai beaucoup aimé la palette de couleur et surtout la couverture !
Tom Dubrowski est un personnage à la fois très conscient de la marche du
monde tout en semblant détacher des personnes qui le compose, l’espion
est d’un cynisme assumé qui nous laisse avec un sentiment de malaise
assez dérangeant : ni un héros, ni un monstre mais un observateur du monde sans espoir et sans illusion. Michael Moorcock nous propose des textes très éloignés de ceux qui l’on rendu célèbre. Ici aucune touche de Fantasy, l’auteur nous propose des récits sombres où transpirent aussi bien la nostalgie des temps qui ne sont plus que le désespoir des situations inextricables. Vous l’aurez compris, ce recueil est plutôt défaitiste, Michael Moorcock nous présente ici la défaite de l’humanité face à ses instincts les plus bas et nous propose une petite lucarne sur la fin du monde.
Danse à Rome est un texte que j’ai trouvé particulièrement nostalgique. Tom Dubrowski navigue entre Rome et Londres pour son travail de dealeur d’antiquités. Alors qu’il fréquente le beau monde anglophone de la ville de Rome, sa vie d’espion en veilleuse, Tom nous fait découvrir les faux-semblants de cette vie entre renseignements mineurs et utilisations des gens : pas de scrupules et pas de remords. Chaque personne est utilisable, à des degrés divers et envisager mariage et enfants peut faire parti de ce jeu de dés auquel notre espion excelle à jouer.
Certainement la nouvelle la plus facile à lire de ce recueil, assez neutre également car pour le moment la « guerre froide » entre les nations maintient un statu quo relativement hypocrite.
Escale au Canada et Rupture à Pasadena sont deux nouvelles de transition. Difficile de suivre exactement le contexte politique en fond mais on comprend que le situation empire et que cela devient irréversible.
Escale au Canada nous propose un retour sur le passé avec une vue de l’idéologie derrière le choix de carrière de notre espion… la Russie, l’Ukraine, les cosaques… on ne sait pas où l’auteur veut nous emmener et on se laisse ballotter entre souvenirs, rencontres et relations charnelles avec plus ou moins de sentiments. Car Tom Dubrowski est à sa manière romantique, un romantisme qui nous fait voir le monde de plus en plus gris et où l’espoir s’amenuise toujours plus.
Deux nouvelles qui m’ont laissé perplexe, on a vraiment du mal à rabouter les morceaux et à savoir où l’auteur veut nous emmener.
Kaboul. La nouvelle qui donne son nom au recueil. Notre espion a rejoint un bataillon armé. La guerre a fini par éclater et l’Afghanistan s’est retrouvé au milieu d’affrontement des différentes grandes puissances de la région. Entre crime de guerre et survie, apocalypse et souvenirs, cette nouvelle nous projette dans une guerre où personne sur le terrain ne sait qui est avec qui et ce qui a pu se passer entre deux briefings militaires. L’auteur rentre dans le sujet avec un ton sombre : la fin d’une époque, la nostalgie des jours anciens et l’improbabilité du présent…
Incursion au Cambodge. Une nouvelle qui fait directement suit à Kaboul. La guerre fait rage, les atrocités aussi même si elles sont décrites par le héros avec un cynisme et une lassitude, qui ne peut que mettre le lecteur mal à l’aise. Point culminant du récit… la fin du monde est proche.
C’est deux nouvelles m’ont laissé un gout amer : la guerre, les viols, la torture, aucun détails sordides ne nous est épargné… c’est profondément déprimant…
Le retour d’Odysseus. Ou le retour du père et du mari prodigue. C’est la fin de carrière pour Tom Dubrowski, la guerre aura eu raison de sa santé mais avant de partir pour une dernière mission dont il ne reviendra surement pas, il retourne à Odessa voir la famille qu’il a abandonné pour sa vie d’espion. Une seule idée, mettre tout le monde à l’abri, sauver ce qui peut encore l’être… mais toujours sans illusion et sans trop d’espoir…
Fin de partie pour Tom Dubrowski dont nous découvrons la vie avant l’espionnage ainsi que sa capacité à rebondir et à penser plusieurs coups à l’avance… une nouvelle plus douce pour finaliser ce recueil mais tout aussi déprimante avec comme toile de fond un monde qui s’effondre…
» tu ne seras donc jamais libre ? demanda-t-elle.
Je crois que non, répondis-je. Il était trop tard pour ça. »
Ce recueil de nouvelles nous présente un futur uchronique où la troisième guerre mondiale couve puis fait rage. Nous entrevoyons ce futur à travers les yeux de Tom Dubrowski, espion russe, qui parcourra le monde pour la mère patrie : le fait d’avoir choisi un personnage principal ukrainien et de dérouler les différents récits avec cette culture russe en toile de fond est assez inattendu pour moi et en fait un des aspects les plus intéressants du récit, mais le tout manque pour moi de finalité et ce ton résolument pessimiste m’a fait ressortir de ma lecture avec des sentiments plutôt mitigés…
Un récit cynique sur l’auto-destruction de l’humanité. Une lecture pour vos moments optimistes histoire de contrebalancer l’absence totale d’illusions et d’espoir de ce récit noir.
Auteur illustre dont je ne connais pas l'oeuvre, je ne compte plus mes lacunes. J'ai surtout très envie de découvrir Elric, mais je reconnais que ce format original est très attrayant.
Je découvre par la même occasion Denoël Graphic ! Ça existe depuis longtemps ?!
Oui c'est un format très sympa, perso j'aime beaucoup ! J'avoue je ne connaissais pas Denoël Graphic que j'ai découvert avec ce livre xD
Mais bon si tu veux découvrir Moorcock je pense qu'Elric est un très bon choix c'est vraiment son œuvre emblématique 😉
Et elle m'a été tellement vantée ! ^^