Foodistan de Ketty Steward

Les éditions Argyll ont lancé l’année dernière une collection de novellas nommée RéciFs :

A travers la collection RéciFs, les éditions Argyll proposent des récits courts, à la croisée des genres, écrits par des femmes du monde entier. Flamboyants, abrasifs, engagés et poétiques, les textes qui composent ces Récifs explorent les rivages de l’Imaginaire autant qu’ils sinuent entre les écueils de notre monde – des textes pour rêver d’autres réalités et réfléchir à la notre..

Alors j’avoue que les récits courts m’attirent déjà beaucoup mais quand, en plus, la collection se place sous la direction graphique d’Anouck Faure, elle devient d’autant plus attirante.
J’ai donc inauguré cette nouvelle collection avec le texte d’une autrice que j’aime déjà beaucoup : Foodistan de Ketty Steward.

Après la faim du monde, la France est devenue le Foodistan. Les anciennes divisions sociales ont disparu, désormais remplacées par des régimes alimentaires : panivores, capacivores, pastavores… Chacun de ces régimes façonne ses propres mythes, sa propre langue, ses propres coutumes, ses propres recettes. Dans un monde où la poursuite de la sustentation est devenue la quête essentielle de tous et toutes, le destin de Maelle l’emmènera à travers les différentes strates du Foodistan, à la découverte des régimes les plus excentriques, où elle découvrira de nouvelles recettes au fil de ses rencontres extravagantes. Au risque de publier son propre livre de recettes ?

Alors déjà je me suis lancée dans ma lecture sans lire ni le 4eme de couv’ ni vraiment la couv, et c’est après plusieurs pages que j’ai vraiment compris le sous-titre : « Après la FAIM du monde ». Autant pour moi.
D’un autre coté j’aime de temps en temps lire un texte sans avoir lu ni retour ni pitch, c’est comme partir à l’aventure. Et pour cette novella de Ketty Steward, tout commence par la transformation du vocabulaire utilisé dans son récit. « Après la faim du monde » nous situe dans une avenir plus ou moins proche où la France est devenu le Foodistan. Une nouvelle société où les anciennes divisions sociales ont été remplacées par une répartition de la population par régime alimentaire. Un pays où se nourrir est au cœur des préoccupations quotidiennes, chaque famille ayant ses propres archives culinaires. Pour appréhender ses changements fondamentaux, nous suivons Maelle, artisane serrurière, une profession assermentée qui lui permet de naviguer dans les différentes strates de cette nouvelle société.

« Maelle Aromy, artisane serrurière », annonçait-elle, sans s’énerver, quand on l’arrêtait, trois ou quatre fois par jour. Elle tendait alors la main de la fourchette pour laisser l’agent, qu’il soit de la police publique, de milice privée lucrative ou bénévole, goûter les ingrédients professionnels encodés dans sa puce.

Ce texte est pour moi dans la droite ligne de Tempus Fugit dont je vous parlais dans cette chronique et que j’avais beaucoup aimé. Ketty Steward manie la langue de manière exquise et nous dresse un récit aux petits oignons. La construction, tout d’abord, est un menu à part entière : de courts chapitres tels des plats, entrecoupés de recettes et de listes de mots par thème comme de petites mises en bouche ou des mignardises. Bref c’est très gourmand mais surtout tout se déroule sous les yeux du lecteur comme un très bon repas… Ensuite la plume de l’autrice y est bien sûr pour beaucoup. J’adore la manière dont elle a twisté la langue pour y incorporer tout un vocabulaire culinaire… jouant sur les mots et leur « nouvelle » signification avec brio.

 » Bonjour. Je suis Julienne Meunier. Comment mangez-vous ?
– Bien, je vous remercie. A l’ancienne, mais sans abattre personne. Et vous ?
– Très bien. Comme au début », répondit la cliente avant d’inviter Maelle, d’un geste, à la suivre.

Court texte engagé et engageant, Foodistan est une belle réussite. Je vous laisse découvrir les recettes SFFF qui s’y trouve et je vous encourage très fortement à lire cette novella pleine de saveur que j’ai beaucoup aimé déguster !

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