❤ Apprendre, si par bonheur de Becky Chambers

Parmi les livres de la rentrée littéraire 2020, il y a deux novellas qui m’intriguaient particulièrement : Apprendre, si par bonheur de Becky Chambers et Vigilance de Robert Jackson Bennett. Deux textes diamétralement opposés mais avec tous les deux de grandes qualités. Je vous parlerai d’abord d’Apprendre, si par bonheur de Becky Chambers et ma prochaine chronique sera celle de Vigilance de Robert Jackson Bennett.

« Nous n’avons rien trouvé que vous pourrez vendre. Nous n’avons rien trouvé d’utile. Nous n’avons trouvé aucune planète qu’on puisse coloniser facilement ou sans dilemme moral, si c’est un but important. Nous n’avons rien satisfait que la curiosité, rien gagné que du savoir. »
Un groupe de quatre astronautes partis explorer des planètes susceptibles d’abriter la vie : hommes et femmes, trans, asexuels, fragiles, déterminés, ouverts et humains, ils représentent la Terre dans sa complexité.

J’ai beaucoup entendu parlé de Becky Chambers ses dernières années grâce à sa trilogie Voyageurs. N’ayant pas encore commencé sa trilogie, j’ai eu envie de découvrir cette autrice via sa novella qui vient de paraitre aux éditions l’Atalante sous un titre qui m’a rendu curieuse.

Quatre astronautes appartenant à la mission Lawki 6 se réveillent à l’issue d’un voyage de 30 ans en coma artificiel. Leur mission ? Explorer des planètes susceptibles d’abriter la vie. Pour cette mission se sont quatre planètes que l’équipage du Merian doit étudier avant de reprendre le chemin de la Terre et y revenir 80 ans après leur départ. A travers cette mission scientifique et les quatre personnes qui la compose, Becky Chambers nous dépeint un futur à la fois extraordinaire : l’exploration spatiale, la découverte d’autres espèces et les possibilités pour le corps humain de s’adapter au planètes étudiées, et dramatique : la Terre surpeuplée est en proie à des conflits continuels aussi bien qu’aux catastrophes naturels dévastatrices.

En moins de 140 pages, l’autrice réussit le tour de force de nous proposer un récit particulièrement riche entre Hard SF et Planet Opera. Elle nous dépeint un horizon de possibles immenses où il est normal de partir explorer les étoiles en appartenant à une société privée financée par tout à chacun sans but mercantile, que l’on peut explorer des planètes où la vie est fertile sans vouloir à tout prix la coloniser et que quatre personnes peuvent représenter un microcosme extraordinairement riche sans se trucider à la fin.

Je suis née en Cascadie le 13 Juillet 2081, ce jour-là, cela faisait cinquante-cinq ans, huit mois et neuf jours qu’il n’y avait pas eu d’être humain dans l’espace. J’ai été la deux cent quatrième personne à y retourner. C’était avec le sixième équipage extrasolaire. Si je vous écris, c’est dans l’espoir que nous ne soyons pas les derniers.

Je suis particulièrement impressionnée de la finesse avec laquelle Becky Chambers décrit ses personnages, leurs relations, leur travail, leurs aspirations et leur éthique tout en les faisant évoluer avec les différents environnements qu’ils découvrent. Apprendre, si par bonheur est un roman d’une diversité incroyable où l’utopie côtoie une réalité terrestre bien plus sombre.
Autre objet d’admiration pour moi, la présentation que fait l’autrice du travail scientifique effectué par nos astronautes (oui je dis « nos » parce qu’après les avoir suivi dans leurs explorations, j’ai l’impression de faire partie de l’équipage) et par la description de la « solution » pour que l’humanité arpente les étoiles : la « somaformation ».

Ces patch à enzymes qui permettent des modification morphologiques éphémères afin que les astronautes soient plus adaptées aux environnements qu’il vont étudiés. C’est remarquablement élégant.
Mais en fait tout le récit est d’une élégance rare aussi bien dans l’écriture que dans les thèmes abordés. On a foi ou pas en l’Humanité mais le texte de Becky Chambers est la flamme d’une bougie qui éclaire le peu d’espoir que tout à chacun peut avoir pour le futur de l’humanité : purée que c’est beau.

Je le répète : je manque d’objectivité. Mais je crois que la somaformation est la solution la plus conforme à l’éthique quand il s’agit de quitter la Terre. Je suis une observatrice, pas une conquérante. Je n’ai aucune envie de forcer une planète à s’adapter à moi. Je préfère marcher d’un pas léger : m’adapter à elle.

Vous l’aurez compris, cette novella a été un coup de cœur pour moi. Un livre a recommandé à tous les lecteurs. Apprendre, si par bonheur parle aussi bien de science que des choix que l’Humanité aura à faire pour et dans son futur. La fin est une leçon a part entière qui m’a laissé pantoise puis m’a ravie. J’aurais beaucoup de choses à dire notamment sur la diversité des personnages et sur les espèces inventées mais je veux vous laisser le plaisir de la lecture et des découvertes au fil des pages. Becky Chambers est géniale dans le format court et Apprendre, si par bonheur est une pépite.

Avez-vous déjà vu l’histoire se faire tangible ? Ces instants où, immobile, on sent la présence du temps avec une solennité palpable qui nous imprègne ?

16 commentaires

  1. Je partage tout à fait ton avis. J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman. J’ai lu le premier tome de la série Les voyageurs. J’ai bien aimé mais beaucoup moins que cette novella.

  2. Je l’ai fini hier et ce sera aussi une critique coup de cœur pour moi. Quelle beauté! Quelle élégance! Et les valeurs et la diversité de ce si court texte ❤️

    • J’imagine que dans le format long, le récit doit être beaucoup plus lent. Je testerai tout de même 😉

  3. Coïncidence, je vais normalement entamé sa trilogie d’ici peu. On va dire que je garde le meilleur pour la fin, parce que cette novella est très tentante. Vive l’espoir !

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