La Grande Peste Noire. Le Grand Incendie. Le Blitz orchestré par les
nazis. La Bombe de Staline… Londres a survécu à tout. En 1951, isolée
dans la gangue glacée de la nuit nucléaire, la cité millénaire et ses
habitants tentent de vivre comme avant. Malgré les radiations, les
Rôdeurs de la Nuit, et eux-mêmes.
Quand des enfants de quartiers pauvres sont enlevés par une étrange
entité aux yeux incandescents, les tensions éclatent et les destins
s’entrecroisent. Ainsi Vassilissa, vampire russe obligée de traquer ses
semblables sous les ordres des autorités britanniques ; Satinder, jeune
fille sikhe qui n’a pu empêcher la disparition de ses petits frères ;
Jaime, ancien résistant espagnol désormais voué au crime organisé ou
Gwen, belle héritière blessée au plus profond de sa chair et de son âme.
Sous l’objectif du photographe américain Arthur Smitty se succèdent
émeutes et révoltes d’une population dont le rêve impossible est de
revoir le soleil une dernière fois.
Six ans après le Printemps de l’Atome, le soleil perçait la couche de cendres pour la première fois.
Badauds, flics et photographes, tous levèrent la tête vers le couvercle de nuages et un silence parfait s’abattit sur Londres.
Un univers dense et sans pitié
Une mosaïque de personnages fascinants
Dans le récit que nous offre l’autrice, ce sont les personnages qui sont au centre de tout. Nous savons le monde autour d’eux en ruine ou inaccessible (l’Europe est radioactive, les États-Unis et l’Afrique fermés) mais Nelly Chadour ne nous donne que quelques indices sur le comment de la situation actuelle, cependant le point central de l’histoire n’est pas d’avoir tous les détails du monde qui nous entoure, mais plutôt de voir comment les personnages y évoluent. Le passage des uns aux autres tout au long du livre crée un effet mosaïque qui tient le lecteur en haleine. Cet effet étant accentué par plusieurs flashback qui, sans couper le rythme du récit, nous propose de rendre les personnages plus profonds en comprenant l’histoire derrière la situation actuelle. Cette profusion de personnages nous offre d’avoir une vision allant de la bonne société londonienne aux enfants d’ouvrier en passant par les membres de la pègre. Nelly Chadour réussit donc à faire converger ces nombreux points de vue pour former une vision cohérente et complète d’un Londres qui cherche à cacher ses traumatismes derrière une façade de victoire et ceci à travers les yeux des gens qui la compose. Je cherche les bons mots pour vous donner mon point de vue mais je dirais tout simplement que c’est très réussi et extrêmement captivant.
Le moment était venu de se terrer dans les souterrains londoniens et d’étendre son empire sous les pieds des sacs de sang. Elle connaissait le moindre recoin obscur des entrailles de la ville. Elle laisserait la surface aux mortels, mais elle prélèverait son écot de vies, surtout celles si douces et enivrantes d’enfants. Elle serait le monstre dont on chuchoterait le nom d’une voix tremblante à la lueur hésitante des veilleuses.
La Baba Yaga de Londres.
Des pointes d’urban fantasy judicieusement choisies
Nelly Chadour, en plus de nous régaler avec un récit post-apo / uchronique, nous propose un coté fantasy qui s’imbrique parfaitement et presque logiquement dans ce monde en déliquescence. J’ai particulièrement aimé cette pointe d’urban fantasy qui rajoute au coté « fin du monde » d‘Espérer le soleil et nous offre une vision à la fois imaginaire tout en nous titillant sur le coté « possible » de cet enchainement d’évènements. Du vampire à la déesse indienne, on navigue entre les prédateurs redoutables et des anti-héros au destin brisé. Une originalité dont l’autrice fait une force et qui nous conduit à une conclusion d’Espérer le soleil juste idéale, sans happy end forcé mais avec une pointe d’espoir mérité.
Vassilissa se laissait séquestrer dans
son sarcophage gelé comme elle se glissait entre ses draps à l’époque où
le sang circulant dans ses veines ne provenait pas de celle de ses
proies. Contrairement à la léthargie de son ancienne vie, elle pouvait
désormais choisir ses reves. Elle savait rejouer le film d’une journée
lointaine, film mental dont elle était l’unique spectatrice.
[…]
Peau qui se déchire
Lame brillante à la lumière des plafonniers
De l’argent de l’argent qui me brule et boursoufle les chairs
Me libérer les tuer les dévorer me venger
Impossible ! Impossible !
Une mention spéciale pour l’édition des Moutons électriques qui nous offre un livre particulièrement soigné avec sa belle couv’ de Melchior Ascaride et ses illustrations intérieures qui parcheminent le récit. J’aime beaucoup également les couvertures avec rabas, c’est juste beau comme édition !
En bref, vous l’aurez compris c’est pour moi un gros coup de cœur pour ce livre aux frontières de beaucoup de styles et qui a réussi à les marier de manière intelligente et sans en faire trop. Lors de ma lecture je l’ai plusieurs fois comparé à celui de Mes vrais enfants de Jo Walton. J’y ai retrouvé la même sensibilité dans l’écriture et un attachement particulier pour ces personnages blessés par la vie mais qui avancent malgré tout. Une plume piquante, un récit noir et doux amer qui nous immerge dans ce monde au crépuscule (ou serait-ce l’aube ?), mais sans pathos ni super héros, on y retrouve des personnages qui a leur niveau essayent de s’intégrer dans ce monde au bord de l’abime et à le façonner pour survivre. En un seul mot : superbe !
Ça a l'air très sympa en effet !
Je pense qu'il te plairait 😉