🖤 Vigilance de Robert Jackson Bennett

Je crois bien que depuis que je chronique sur le blog c’est la première fois que je fais deux chroniques coup de cÅ“ur coup sur coup. Il faut dire que si 2020 est une année pourrie par bien des cotés, les littératures de l’Imaginaire nous auront sorti de magnifiques pépites cette année. Après Apprendre, si par bonheur de Becky Chambers, je vous parle de Vigilance de Robert Jackson Bennett.

Trois tireurs armés jusqu’aux dents lâchés dans un « environnement » public aléatoire délimité. Un but : abattre le plus de personnes possible. Une promesse : un énorme paquet de fric pour celui qui quitte les lieux indemne. Si l’une des « cibles » met hors d’état de nuire l’un des tireurs et survit, une part du pactole lui échoit. Des règles simplissimes, et des dizaines de drones qui filment le tout pour le plus grand bonheur de millions de spectateurs hystérisés, d’annonceurs aux anges et de John McDean, producteur et chef d’orchestre de Vigilance, le show TV qui a résolu le problème des tueries de masses aux États-Unis…

J’ai découvert Robert Jackson Bennett avec American Elsewhere. Entre huis-clos fantastique et SF, ce livre était un redoutable page turner. Après cette lecture, j’avais donc envie de découvrir d’autres livres de l’auteur (Foundryside ou The Divine Cities), mais c’est finalement Vigilance qui a été publié en premier. Lu dès sa sortie, sans même attendre l’offre HS de la collection Une Heure Lumière d’ailleurs.
Vigilance est un texte qui ne peut pas laisser indifférent. C’est une des plus longue novella de la collection Une Heure Lumière : 165 pages, en forme de coup de poing dans l’estomac qui nous propose de venir découvrir l’Amérique de demain.

L’Amérique de demain est composée majoritairement d’une population vieillissante. Le pays, engluée dans une crise économique sans fin est resté coincé dans l’air pétrolière même si plus aucun pays n’achète l’or noir Made in USA. Les jeunes générations sont parties trouver un meilleur avenir à l’étranger loin de cette Amérique qui ne leur offre plus .
Mais dans cet Amérique, certains ont trouvé des mannes à exploiter jusqu’au trognon et notamment les peurs des américains d’aujourd’hui. Une émission de télé a été créé suite aux nombreuses tueries de masse qui ont eu lieu sur le sol américain. Vigilance est non seulement le nom de cette émission télé mais également un crédo brandit comme un flambeau : si vous n’êtes pas vigilant alors vous êtes mort. Vigilance est donc une émission télé vedette basée sur une tuerie de masse organisée dans un lieu clos : trois tireurs, pleins de gens et une foule de drones pour filmer le tout.

Tout tenait au fait que depuis toujours, l’Amérique est une nation qui a peu.
Peur de la monarchie. Peur des élites. Peur de perdre ses biens, par le fait du gouvernement ou d’une invasion. Peur qu’un voyou stupide ou un petit malin de la ville trouve un moyen légal ou non de voler ce qu’on a durement gagné à la sueur de son front.
[…] Et là où il y avait peur, il y avait des armes à feu.

Robert Jackson Bennett nous fait le portrait au vitriol d’une Amérique bercée aux tueries de masse, bassinée par la peur de l’autre et nourrie de publicités à outrance. Un texte dérangeant qui prend aux tripes. Au fur et à mesure que l’auteur nous fait découvrir cette future Amérique, c’est un regard glaçant qui s’en dégage. J’ai trouvé que l’auteur jouait habilement avec le lecteur en alternant entre moment où les réaction des personnages sonnent particulièrement justes (et notamment sur les peurs de l’autre, de l’étranger, de son voisin, etc…) et moments frôlant l’absurde avec un marketing à outrance et des publicités créées en direct en fonction du public cible. Le grotesque côtoie le crédible ce qui m’a horrifié autant qu’il m’a fasciné lors de ma lecture.

« C’est toujours ce qui me secoue le plus, confie sombrement la voix de Robwright. Le manque de qui-vive de ces gens. Ils ne font tout simplement pas attention. Pas attention du tout. »

Le lecture de Vigilance est immersive, j’aime beaucoup le style d’écriture de Robert Jackson Bennet : clair, direct et visuel. Dans cette novella, le récit alterne entre deux personnages : Delyna, une jeune femme noire serveuse dans un dinner et LcDean, le responsable, blanc et quadra, de l’émission. Les deux points de vue se renvoie la balle lors du démarrage de ce nouvel épisode de Vigilance et le contraste est saisissant. Le tout saupoudré d’informations sur l’évolution des Etats-Unis c’est 20 dernières (prochaines) années.

Plus que quiconque, John McDean sait que l’Amérique n’est pas – n’est plus – un endroit où l’on vit. Mais où l’on suvit. Et un endroit de la sorte est on ne peut plus monétisable pour Our Nation’s Truth.

Un coup de cÅ“ur pour moi avec ce récit glaçant qui renvoie cependant bien trop, pour ma tranquillité d’esprit, à des évènements récents qui, comme des signaux faibles, semblent nous prédire un avenir où la Vigilance serait de mise. Entre réalisme et culture de l’absurde, cette novella est un petit bijou d’Anticipation. Un des meilleurs titre de la collection Une Heure Lumière pour moi.

#S4F3s6
#makiproject

18 commentaires

    • Oui dans mon top 3 de la collection avec L’homme qui mit fin à l’histoire et Les meurtres de Molly Southbourne 🙂

  1. Encore un texte de blanche qui vient prendre la place d’un texte d’imaginaire dans une collection dédiée. 👀
    Il fait vraiment l’unanimité ce texte, et à un très haut niveau d’appréciation. Ça donne envie du coup, malgré le thème glaçant.

    • Un texte de blanche ? J’avoue ne pas l’avoir ressenti comme ça 🤔
      En tout cas le thème est d’actualité et la forme excellente.

      • (« Humour » raté. ^^’ C’était pour dire que ça semblait déjà tellement réel et actuel – pas de la SF donc, de la blanche.)

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