đ BD : Radium Girls de Cy
Petit entorse au thĂšme du blog aujourd’hui avec la chronique d’une BD historique : Radium girls de Cy parue aux Ă©ditions GlĂ©nat dans la collection Karma. Point de SFFF donc, mais comme cette BD est un coup de cĆur, je ne pouvais pas ne pas vous en parler ici.

Des destins de femmes sacrifiĂ©es sur lâautel du progrĂšs.
New Jersey, 1918. Edna Bolz entre comme ouvriĂšre Ă lâUnited State Radium Corporation, une usine qui fournit lâarmĂ©e en montres. Aux cĂŽtĂ©s de Katherine, Mollie, Albina, Quinta et les autres, elle va apprendre le mĂ©tier qui consiste Ă peindre des cadrans Ă lâaide de la peinture Undark (une substance luminescente trĂšs prĂ©cieuse et trĂšs chĂšre) Ă un rythme constant. Mais bien que la charge de travail soit soutenue, lâambiance Ă lâusine est assez bonne. Les filles sâentendent bien et sortent mĂȘme ensemble le soir. Elles se surnomment les « Ghost Girls » : par jeu, elles se peignent les ongles, les dents ou le visage afin dâĂ©blouir (littĂ©ralement) les autres une fois la nuit tombĂ©e. Mais elles ignorent que, derriĂšre ses propriĂ©tĂ©s Ă©tonnantes, le Radium, cette substance quâelles manipulent toute la journĂ©e et avec laquelle elles jouent, est en rĂ©alitĂ© mortelle. Et alors que certaines dâentre elles commencent Ă souffrir dâanĂ©mie, de fractures voire de tumeur, des voix sâĂ©lĂšvent pour comprendre. Dâautres, pour Ă©touffer lâaffaire…
Une fois n’est pas coutume, je vais vous proposer une mise en contexte historique pour parler de cette trĂšs belle BD qui met en avant des faits qui Ă©taient jusqu’Ă maintenant peu connus.
AprĂšs la dĂ©couverte du Radium par Pierre et Marie Curie en 1898, cet Ă©lĂ©ment trĂšs radioactif va rapidement ĂȘtre utilisĂ© Ă des fins mĂ©dicales. C’est le dĂ©but des traitements par radiothĂ©rapie qui vont ĂȘtre testĂ©s sur de nombreuses maladies incurables de l’Ă©poque. Marie Curie va Ă©galement utilisĂ© la radium pour rĂ©aliser les premiĂšres radiographies mĂ©dicales. Durant la premiĂšre guerre mondiale, elle sillonnera la ligne de front avec sa fille IrĂšne Joliot-Curie et rĂ©alisera de nombreuses radiographie pour aider les opĂ©rations mĂ©dicales des blessĂ©s de guerre. Ces premiĂšres avancĂ©es dans le domaine mĂ©dical en plus de l’obtention par le couple Curie du prix Nobel de physique en 1903 vont aider Ă dĂ©mocratiser l’utilisation du Radium. Ainsi au dĂ©but de 20e siĂšcle, la propriĂ©tĂ© radioluminescente du Radium va ĂȘtre utilisĂ©e pour la dĂ©coration, notamment dans l’industrie horlogĂšre.



La radium devient alors un produit « à la mode » est l’industrie pharmaceutique (entre autre) l’utilisera dans de nombreux produits lui confĂ©rant diffĂ©rentes vertus.





Bien que la dangerositĂ© du Radium soit reconnue dans le milieu mĂ©dicale dĂšs les annĂ©es 20, l’industrie, elle, n’est pas pressĂ©e de prendre des mesures de protection. En France, il faudra attendre le milieu des annĂ©es 30 pour que l’intoxication au radium soit reconnu comme maladie professionnelle. L’usage du radium sera dĂ©finitivement interdit dans les annĂ©es 60. Commencera alors un long travail d’identification des sites industriels polluĂ©s et de rĂ©cupĂ©ration d’objet radioactifs.

La BD Radium Girls se dĂ©roule au dĂ©but de XXe siĂšcle dans le New Jersey. Nous suivons un groupe de jeunes femmes travaillant dans l’industrie horlogĂšre oĂč elles peignent des cadran de montres avec la peinture Undark et en utilisant la mĂ©thode du Lip – Dip – Paint. MĂ©thode qui amĂšne ces ouvriĂšres Ă lisser leur pinceau avec leur lĂšvres afin de mieux appliquer la peinture Ă base de Radium. Ces Radium Girls ou « Ghost Girls » sont de jeunes femmes pour qui ce travail est une forme d’Ă©mancipation. Cy nous dĂ©crit avant tout un groupe de femmes qui mordent la vie Ă pleines dents, insouciantes avec un emploi aussi stable que possible dans l’AmĂ©rique des annĂ©es 20. Ce sont ces femmes dont nous allons suivre la descente aux enfers alors que les maladies dues Ă l’ingestion de Radium sont peu connues et que l’industrie n’a pas encore pris la mesure (ou n’a pas envie de s’en inquiĂ©ter) des problĂšmes de santĂ© Ă long terme de ses travailleuses.
Graphiquement, cette bande dessinĂ©e est une vĂ©ritable rĂ©ussite. Tout en crayonnĂ©, les dessins de Cy sont au top. J’aime particuliĂšrement la maniĂšre dont Cy fait ressortir la radioluminescence du radium. Les dessins pleine page sont Ă©galement particuliĂšrement rĂ©ussis : des portraits de femmes beaux, touchants et dramatiques Ă la fois.



A noter que mĂȘme si Radium Girls nous dĂ©peint l’histoire oubliĂ©e de ces ouvriĂšres qui, par la nĂ©gligence d’une industrie peu regardante sur la santĂ© de ces petites mains, vont se retrouver mortellement intoxiquĂ©es au Radium, cet album reste avant tout un portrait de femmes. Bien documentĂ©, le rĂ©cit n’est cependant pas historique au point de donner un contexte complet et panoramique de ce pan de l’histoire ouvriĂšre aux Ătats-Unis. Si vous voulez en savoir plus sur l’histoire des Radium Girls, dĂ©couvrez la sĂ©rie en deux Ă©pisodes sur France Culture :
- Ăpisode 1 : Des femmes lumineuses,
- Ăpisode 2 : Le radium au tribunal.
Vous pouvez Ă©galement regarder cet interview de l’autrice :
Radium Girls est une bande dessinĂ©es trĂšs rĂ©ussie, dans un style crayonnĂ© qui tranche avec les bande dessinĂ©es traditionnelles, elle nous propose un rĂ©cit au fĂ©minin sur un scandale sanitaire encore peu connu jusqu’Ă il y a peu. TrĂšs intĂ©ressant et bien traitĂ©, cette BD est un must read.







TrÚs bon billet, bien documenté, ça donne trÚs envie. Elle était déjà dans ma liste à lire, je vais y ajouter de ce pas une note « à lire viiiiiiite ».
Merci beaucoup. profites maintenant quâelle nâest plus en rupture de stock đ
Ca me tente énormément !!! Merci pour cette découverte
Câest toujours avec plaisir đ
Et bien, ça a l’air bien intĂ©ressant tout ça en tout cas, j’aime beaucoup aussi le coup de crayon de Cy.
Câest une trĂšs belle BD fĂ©ministe et au fĂ©minin, je suis sure quâelle te plairait đ
Ăa a l’air intĂ©ressant, faut que je la guette Ă la bibliothĂšque.
Beau et intĂ©ressant đ