Dune de Franck Herbert (édition collector)

J’inaugure aujourd’hui un nouveau type d’article avec une chronique invitée. Une fois par mois, un invité viendra vous parler SFFF au format poche. Il s’agit de Jean-Yves, futur blogueur et grand amateur de littératures de l’Imaginaire dont j’apprécie beaucoup les avis. Il inaugure cette nouvelle rubrique avec un grand classique juste réédité : Dune de Franck Herbert version collector paru aux éditions Robert Laffont.

Il n’y a pas, dans tout l’Empire, de planète plus inhospitalière que Dune. Partout des sables à perte de vue. Une seule richesse : l’épice de longue vie, née du désert, et que tout l’univers convoite.
Quand Leto Atréides reçoit Dune en fief, il flaire le piège. Il aura besoin des guerriers Fremen qui, réfugiés au fond du désert, se sont adaptés à une vie très dure en préservant leur liberté, leurs coutumes et leur foi. Ils rêvent du prophète qui proclamera la guerre sainte et changera le cours de l’Histoire.

Le chef-d’œuvre absolu de la science-fiction. Édition du cinquantenaire.
Traduction revue et corrigée.
Préfaces de Denis Villeneuve et Pierre Bordage.
Postface de Gérard Klein.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Michel Demuth.

Chronique TRES particulière pour moi. Dune est le premier livre de SF que j’aie lu. Un coup de cœur immédiat, une révélation pour l’adolescent en construction que j’étais, et une première exposition au virus de la SF. Je relis peu, et Dune est à ce titre une exception. Un film, de nouvelles éditions, un Mook et plusieurs livres au sujet du chef d’œuvre de Frank Herbert sont autant de déclencheurs qui m’ont poussé à replonger. Une expérience paradoxale, comme replonger dans des souvenirs d’enfance, entre redécouverte et madeleine familière…

Dune est une œuvre fondamentalement intemporelle. L’auteur nous livre un roman de SF « low tech ». Ici, point de transhumanisme, de matrice, d’intelligences artificielles, d’extra-terrestres ou d’autres trous de ver, ce qui donne un récit qui a extrêmement bien vieilli (50 ans tout de même) car toujours technologiquement crédible mais qui est parfois éloigné des canons habituels du megatext science-fictionnel. C’est pourtant bien un récit futuriste Il y a des boucliers énergétiques, des lasers, des armes nucléaires, des vaisseaux spatiaux et surtout une véritable évolution de l’espèce humaine.

Certains protagonistes sont en effet capables d’exploits qui témoignent d’une extrême connaissance des possibilités du corps et la génétique est un levier important de l’histoire. Car ce qui intéresse Herbert, c’est bien l’espèce humaine. Elle est au centre du récit et ne s’efface pas dans l’ombre des éléments scientifiques présents habituellement dans ce genre. Surtout, les thèmes abordés sont les piliers des grandes fresques classiques : politique, guerre, religion, richesse et famille forment l’ossature de Dune. L’auteur renforce cette dimension transcendantale par l’inscription dans l’Histoire. La famille de Paul, le personnage principal, est celle des Atréides et s’inscrit donc dans la lignée des héros grecs (Atrée étant le père de Ménélas et d’Agamemnon) ; le vocabulaire médiéval est omniprésent (les titres de noblesse, la Guilde…).

« Thuffir, dit Paul, Arrakis est-elle aussi mauvaise qu’elle le dit ? » « Rien ne saurait être aussi mauvais. Prenons les Fremen, par exemple. (Hawat eu un sourire forcé.) Ils forment le peuple renégat du désert. Après une première et rapide analyse, je peux te dire qu’ils sont nombreux, bien plus nombreux que ne le croit l’Imperium. Et ce peuple, mon garçon, est un très grand peuple et… (Hawat éleva un doigt noueux à hauteur de ses yeux) … ils détestent les Harkonnen, ils leur vouent une haine sanguinaire. Mais tu ne dois pas souffler un mot de cela, mon garçon. C’est le confident de ton père qui te parle. »

(édition collector révisée, page 41)

Frank Herbert nous dépeint au début du livre une humanité qui stagne. Le rapport de force entre les grandes maisons change peu, sous l’autorité d’un Empereur qui divise pour mieux régner. La coutume est omniprésente dans l’histoire, comme par exemple à la cour impériale ou bien évidemment chez les Fremen, ce peuple du désert qui, même s’il a soif de changement, est terriblement attaché à ses traditions et à ses légendes. Les Bene Gesserit, cet ordre matriarcal, contrôle les lignées nobles et combat ainsi tout élément hasardeux. La Guilde a le monopole des voyages spatiaux et veille de manière anxieuse à préserver le statu quo.

L’intrigue de Dune c’est la fin de cette stagnation, c’est l’introduction de l’incertitude. C’est une histoire de vengeance, où Paul, jeune héritier au don de prescience, issu d’un amour qui contrarie le plan des Bene Gesserit, bouscule tous ces dominos pour obtenir réparation, et davantage. Mais jusqu’ou est-il prêt à aller pour obtenir sa revanche ?

Car l’héritier des Atréides survit sur Arrakis, le nouveau fief de sa maison, à la fois piège machiavélique mais aussi source d’une puissance sans limites. C’est sur cette planète, vaste désert de sable et de rocaille, surnommée Dune, et uniquement ici, qu’apparait l’Épice, source de longévité et de transcendance. Un décor hostile où vivent les terribles Fremen, peuple autochtone, dur et sage, qui attend l’arrivée du messie qui les guidera.

Frank Herbert fonde un genre, le planet opera. Il invente et décrit une planète, avec un écosystème complexe mais crédible, un peuple, ses coutumes et son organisation politique et sociale. Il détaille ce contexte à un niveau de réalisme saisissant, notamment autour du thème de l’eau, où cette ressource abondante ailleurs est rarissime ici, quand l’Épice infiniment précieux ailleurs n’est qu’une denrée non vitale sur Arrakis. Dune est une fresque sur la relation entre l’Homme et son milieu, sur la stagnation et l’évolution, les mythes et le futur.

Difficile d’être objectif quand on évoque son livre favori mais même si je mûris – enfin je crois – et que mon « expérience littéraire » augmente, je trouve ce texte toujours aussi puissant, par son ambition et par le nombre de thèmes traités, et bien traités, et en un seul volume… ! Vivement la réédition des tomes suivants donc !

Vous aimerez si vous aimez la SF qui parle des puissants, du destin de l’univers, et qui aborde une multitude de thèmes, sans se cantonner aux aspects technologiques.

Les +

  • Le rythme, finalement très soutenu.
  • Le discours général sur le danger que représente une figure héroïque.
  • La galerie de personnage. Vous aurez forcément un chouchou. Et être dans leurs têtes.
  • Arrakis.

Les –

  • Le baron Harkonnen vecteur des idées hétéronormées de l’auteur.
  • Parfois verbeux.
  • Les descriptions souvent… arides.

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