De temps en temps, en tant que blogueuse, je reçois des Services Presse (SP) non prévus ou non sollicités. Comme certains ne me tentent pas du tout, je les propose à d’autres lecteurs plus dans le public visé. Lorsque Actes Sud m’a fait parvenir Sandremonde de Jean-Luc Deparis, j’ai pensé que ce n’était pas une lecture pour moi. J’ai alors proposé à une lectrice Fawn, fan de Fantasy, si le pitch lui plaisait et elle a accepté de tenter l’aventure et de vous faire un retour sur le blog. Je la remercie encore de sa patience (je pensais vous publier la chronique bien plus tôt) et d’avoir fait ce super retour. Le voici !
Avec sa peau sombre et ses cheveux de neige, Elyz-Ana ressemble aux Shaël-Faars, ces êtres de légende qu’on dit capables de résister au pouvoir d’Isidis, la Déesse céleste qui règne sur Sandremonde. Lorsqu’elle a vent de cette étrange enfant, l’Eglise tente de la capturer. Traquée, Elyz-Ana trouve refuge au sein de la Guilde des sicaires d’Atabeg et grandit dans la faille qui perce cette cité. Elle y rencontre un mystérieux cavalier noir qui lui raconte l’histoire des Saudahyds, son peuple qui vivait au nord des Monts de Sombodor avant d’être exterminé par les Anges d’Isidis il y a mille ans. Elyz-Ana comprend qu’elle est une Saudahyd. Mais elle ne sait pas encore qu’elle est l’enfant-destin, chargée de ramener son peuple du monde des morts.
Les dernières pages de cet imposant volume tournées, vient le temps de poser mon ressenti par écrit et d’organiser le flot de choses que j’ai à dire. Indéniablement, Sandremonde ne laisse pas indifférent et j’en suis sortie avec beaucoup d’impressions positives comme négatives.
Sandremonde, avant d’être une aventure, propose la fresque d’un monde particulièrement élaboré, que l’auteur mettra deux bons tiers de roman à exposer, et c’est là que les sentiments ambigus commencent. D’un côté, c’est long, et longtemps on attend que les dernières pierres soient posées pour enfin entrer dans le vif du sujet et commencer à obtenir des réponses aux questions posées par l’apparition d’Elyz-Ana sur une terre où elle ne devrait pas se trouver. De l’autre côté, force est de constater que l’auteur a un véritable don de conteur. Les paysages défilent, le lecteur découvre les villes, les coutumes, la religion du peuple de Sandremonde, dominé par l’église de la déesse Isidis. Le principe des Chapelles, terres protégées par des bornes frontières, Chapelles dans lesquelles on ne peut pénétrer sans posséder le tatouage adéquat.
Malgré tout, l’aventure et les personnages s’effacent au profit de ces descriptions : les personnages ont du mal à gagner en épaisseur, il leur manque des traits de caractère qui permettraient au lecteur de s’investir à leur côté. Ils restent de pâles projections, vaguement définies physiquement, ou en creux par rapport à Elyz-Ana. Beaucoup d’éléments introduits demeurent inexploités : les personnages qui aident Elyz-Ana et qu’on ne reverra jamais, la magie, qui a l’air de tenir un rôle important mais sur laquelle on n’apprendra pas grand-chose. Ma grosse frustration reste le principe des Chapelles, plutôt bien détaillé au début et qui pique la curiosité, mais qui finira au rang de détail par la suite.
Certains personnages ont droit à un chapitre entier, mais ne reparaissent plus du tout, alors que l’auteur avait commencé à esquisser plein d’éléments autour d’eux, comme ce chapelain nouvellement entré en fonction ayant une dent contre l’église. De cet ensemble émane une impression d’encyclopédisme assez frustrant.
Enfin, au rang du négatif, j’ajouterai les inévitables clichés. Cela reste une impression, mais j’ai le sentiment que l’auteur a pris grand plaisir à développer Sandremonde et ses différentes caractéristiques (on sent qu’il s’éclate et ça fait plaisir à lire), mais a de fait un peu oublié l’aventure en cours de route. Quand celle-ci démarre enfin, les poncifs habituels de fantasy surgissent à coups de prophétie, d’élue, de puissants artefacts du passé et de vilaine église, bien que j’aie apprécié l’inversion des rôles, pour une fois, entre une église de la lumière ambiguë et des barbares martyrisés. Cela aurait pu passer s’ils avaient bénéficié d’autant d’attention que les descriptions des 250 premières pages, mais l’ensemble demeure à peine esquissé et j’aurais apprécié que ces aspects soient développés aussi minutieusement que le reste.
Les jours anciens sont comme de vieux parchemins devenus si fragiles que la lumière perce leur membrane jaunie.
Quand l’homme se retourne sur eux et essaie de les saisir, ils s’effritent en lambeaux que le vent emporte. Alors ses mains se retrouvent vides et il songe : “ Ma vie, n’est-ce que cela ?”
Côté positif, j’en revient néanmoins à la plume de l’auteur. Car malgré ce que je reproche à Sandremonde, je n’ai pas lâché le livre – et en général c’est plutôt bon signe. La plume est belle, riche et particulièrement évocatrice. Les paysages, les peuples, les cultures, les religions présentées sont agréables à découvrir et un monde consistant et crédible se dresse devant le lecteur. J’ai vraiment eu l’impression de voyager dans Sandremonde, et si je n’en retiendrai pas forcément les personnages ni ce qui s’y est passé, j’en garde néanmoins une impression d’ensemble plutôt complète et que j’ai eu plaisir à découvrir. Le dernier tiers du livre, malgré ses défauts, a le mérite de nous apporter un peu d’action et de nous rapprocher un peu de certains personnages, même si cela a eu un goût de trop peu.
En somme, cela a été pour moi une lecture en demie teinte. L’auteur passe trop de temps, à mon goût, à déployer son univers et trop peu à poser ses personnages et son aventure, ce qui entraîne une frustration des deux côtés : on passe du temps à découvrir, mais sans que ce soit exploité, et les personnages en pâtissent. Au final j’en suis sortie avec l’impression d’avoir survolé Sandremonde et avec le regret que la découverte de ce monde n’ait pas été plus progressive, quitte à nécessiter un tome ou deux de plus, mais qui auraient laissé davantage le loisir de déployer les personnages et leur caractère, leur aventure.
L’auteur a indéniablement un vrai talent de conteur, mais ce texte souffre à mes yeux d’un déséquilibre entre la part laissée à l’univers et celle laissée aux personnages. Il s’agit du premier livre de Jean-Luc Deparis et je serai curieuse de découvrir par la suite d’autres de ses écrits, car s’il est une chose que je serai ravie de retrouver, c’est la force de sa plume.
Une bonne chronique en effet. ^^
Je crois n’avoir jamais lu un avis enthousiaste sur ce livre. Ça confirme que je ne le lirai pas. Mais pourquoi pas sur un deuxième roman donc, puisque le potentiel semble là.
Belle chronique invitée! Clairement c’est un roman qui ne provoque pas un enthousiasme dingue, je passerai donc mon chemin ^^