Je pense qu’il y a certains livres qui relèvent carrément de l’expérience de lecture (comme Vita Nostra de Sergueï et Marina Diatchenko). Des livres qui nous laissent un peu pantois une fois la lecture terminée. La lecture de Gnomon tome 1 de Nick Harkaway peut se ranger dans cette catégorie et ce d’autant plus que ce n’est qu’un tome 1 donc que la fin n’en ai pas vraiment une. Petit retour sur une lecture déconcertante mais très intrigante.
Grande-Bretagne. Futur proche.
La monarchie constitutionnelle parlementaire qu’on croyait éternelle a laissé place au Système, un mode de démocratie directe où le citoyen est fortement incité à participer et voter. La population est surveillée en permanence par le Témoin : la somme de toutes les caméras de surveillance et de tout le suivi numérique que permettent les objets connectés.
Au cours d’un interrogatoire par lecture mentale, la dissidente Diana Hunter décède. Mielikki Neith, une inspectrice du Témoin, fidèle au Système, est chargée de l’enquête. Alors qu’elle devrait être en mesure d’explorer la psyché de Hunter, Mielikki se retrouve confrontée à trois mémoires différentes : celle d’un financier grec attaqué par un requin, celle d’une alchimiste et celle d’un vieux peintre éthiopien.
Pour Neith, dont les certitudes commencent à s’effriter, un incroyable voyage au cœur de la pensée humaine commence. Aussi déroutant que dangereux.
Par la grâce de la connerie suprême d’une industrie fondée sur la connerie, le genre de choses que je viens de faire lance une carrière. Ce matin, j’étais un très bon trader. Là, je touche aux frontières de la divinité financière.
Si je n’étais pas Athenais Karthagonensis, amante, mère, alchimiste et faussaire, et si je n’étais pas ici chez moi. C’est ma chambre, mon mensonge. Elle m’appartient de plein droit car je l’ai créée, elle est née de mon esprit – et, qui que vous soyez, vous allez vous tenir convenablement en ma présence ou je vous percerai un nouveau trou du cul.
Sur cette base, je conjurais une Europe divisée, donc affaiblie, confrontée à une Russie prédatrice pendant que, au large, une Grande-Bretagne boiteuse étouffait sous une dette écrasante et les politiques imbéciles d’une administration conservatrice, ligotée par ses mythomanes les plus ridicules. Je me représentais un autoritarisme croissant, à droite comme à gauche, et, à l’international, un instinct centriste affaibli, désespérant de trouver une voix que les hurlements ne puissent réduire au silence.
A la fin de la lecture de ce tome 1, il me reste une impression de foisonnement et le sentiment d’un roman façon poupée russe. On lit, on creuse, et dans chaque chapitre se cache d’autre niveau de compréhension, le tout formant une fresque encore partielle mais terriblement intrigante. Clairement Gnomon est un livre qui se mérite. Comme d’autres récits publiés récemment : [Anatèm] de Neal Stephenson ou Terra Ignota d’Ada Palmer, Gnomon sait se faire désirer. La première centaine de pages en met même plein la vue au lecteur qui se demande bien où tout ça va le mener, le tout en le faisant s’interroger sur sa connaissance de la langue française.
Trois recherches dans le dictionnaire plus tard et de nouveaux mots de vocabulaire dans ma musette (que j’espère pouvoir replacer en société quand on pourra de nouveau voir des gens), je suis impressionnée par la qualité de traduction de Michelle Charrier. Encore une fois traductrice de l’impossible, elle rend justice à un texte dont les concepts qui y sont développés, sont parfois ardus.
Mais en fait, Gnomon, ça parle de quoi ? Si on reste sur l’idée que ce livre n’a pas 36 sous-couches de compréhension, donc si on reste genre ras des paquerettes, comme moi au début : Gnomon c’est le récit d’une Grande-Bretagne dans un futur proche où la monarchie parlementaire a cédé sa place au Système. Une démocratie directe où chaque citoyen est fortement incité à voter et à participer à de nombreuses réflexions sur l’évolution de la société.
Le Système c’est aussi le Témoin qui surveille la population en permanence. Caméra, objets connectés, internet, le Témoin est partout. Enfin, presque partout car Diana Hunter, autrice, tente de vivre le plus loin possible des ramifications du Témoins ce qui a fini par la cataloguer comme dissidente. Arrêtée pour une lecture mentale, elle décède lors de l’opération. Mielikki Neith, inspectrice du Témoin, est alors chargée de l’enquête. Dans le cadre de son enquête, elle va explorer la psyché de Diana Hunter et va alors être confrontée à trois vies différentes : un financier grec lors de la crise financière de 2008, une alchimiste vivant à l’âge des premiers chrétiens et peintre éthiopien témoin des prémices du Système.
Si la profession de Mielikki existe sous le Système, c’est en partie à cause de l’imprécision de la communication humaine. Malgré l’analyse statistique et la logique préférentielle, la machine ne peut progresser que jusqu’à un certain point dans la paysage bancal déformé de l’humaine irrationalité.
Débute alors pour Mielikki et pour le lecteur une enquête peu banale à la frontière de la réalité et de la fiction où les pensées de plusieurs personnes semblent s’entrechoquer et tenter de cohabiter, le tout dans un espace temps volatil. Bien que Gnomon ne soit pas un texte facile au premier abord, j’avoue que l’auteur a tout de suite su m’intriguer et passer la première centaine de pages, j’ai été absorbée par ma découverte.
Superbe plume déployée par Nick Harkaway, magnifique traduction de Michelle Charrier, pour un récit qui se mérite mais sait aussi se faire attrayant et intrigant. Je resterai honnête, pour moi c’est tout de même un livre qui demande du temps de cerveau disponible mais aussi du temps tout court, difficile de picorer quelques pages par ci par là, on a besoin se s’y émerger et de s’en imprégner. A chacun donc, s’il veut rencontrer Gnomon, de choisir le bon moment pour le lire.
Entre récit de science-fiction et récit philosophique, Gnomon semble se plonger dans l’âme humaine. Il entraine aussi bien l’héroïne que le lecteur à sa suite et tout comme Mielikki, nous cherchons par moment à nous raccrocher aux branches pour sortir la tête de l’eau tout en nous laissant entrainer à d’autres moments pour suivre le courant du roman. Pas de raccourcis, Nick Harkaway déroule son fils, flot de pensées qui nous noie autant qu’il nous transporte. Les personnages sont à la fois particulièrement crédibles tout en restant insaisissables. Je pourrais mentionner 1984, V pour Vendetta mais Gnomon n’est à mon sens pas seulement une dystopie mais un puzzle littéraire pour les adeptes d’énigmes et des crytex.
Maintenant, l’heure est à l’interrogation, quid du tome 2 ? est-ce que la fresque finale sera à la hauteur de l’enjeu proposé par ce tome 1 ? Est ce que je vais avoir besoin de tout relire pour remettre toutes les pièces du puzzle en place ? Réponse à la lecture du tome 2 pour moi et rendez-vous avec le tome 1 pour vous si ce n’est pas déjà fait 😉
Je suis Gnomon, en d’autre termes l’Eschatogénésiste ou encore le Protocole de Désespérance. Qui veut vivre me suive.
En fait techniquement ce n’est pas vraiment un tome 1, enfin l’auteur ne l’a pas voulu comme ça vu qu’en VO c’est juste un oneshot qui a été coupé artificiellement en deux pour la VF (ce que je peux comprendre vu le pavé que c’est déjà en VO).
Sinon, j’avais lu le début à l’époque de sa sortie VO et j’avais assez vite abandonné. Pas que je ne comprenais pas, mais plus que je n’avais pas l’impression de lire ce qu’on m’avait venu dans la promo du livre. Le rythme était hyper lent, l’ensemble était fouilli, et au final je m’ennuyais vraiment trop, raison de mon abandon.
En fait j’ai fini par commencer une autre lecture en parallèle pour un challenge et ça a été le début de la fin vu qu’au final ensuite je ne l’ai jamais vraiment repris en dehors d’une page par ci par le. Jusqu’à ce que je décide que je l’avais abandonné 2 ou 3 mois ensuite.
Bref, je ne suis pas encore prête à le retenter pour l’instant xD
Je pensais avoir été claire sur le fait que le roman avait été coupé en deux pour la VF mais en fait pas vraiment… XD
C’est vraiment le style de livre qu’il faut avoir envie de lire et que le moment soit le bon. Je comprends complètement qu’on puisse le laisser tomber 😉
Promis, dès que j’ai une semaine de vacances où je ne sais pas quoi faire, j’envisagerai de le lire. 🙈
Tu enchaînes/as enchaîné sur le tome 2 du coup ?
Pas encore ! Mais il parait que le tome 2 apporte pas mal de réponses dès le début alors ça ne devrait pas trop tarder. Et puis je préfère le lire vite histoire que le tome 1 soit encore frais dans ma memoire 😉
Pfiou, ça ne me tente pas du tout toute cette complexité, même si ça doit être intéressant.
Je peux complètement comprendre 😉
J’ai super peur de ce roman, comme j’ai peur des Ada Palmer et de Anatèm d’ailleurs. Je me sens pas assez armée côté bagage intellectuel pour les affronter. Pourtant ça donne envie à te lire!
Je suis comme toi. Je n’ai pas encore lu Trop semblable à l’éclair parce que ce livre me fait peur.
Et pourtant Gnomon m’a tout de suite attirée, un livre expérience très prenant.
Mais faut pas se forcer je pense 😉
C’est typiquement le genre de bouquins qui me fait fuir. Je comprends leur potentiel par les chroniques de lecteurs qui ont saisi leurs enjeux, et ça donne fichtrement bien envie, comme la tienne d’ailleurs ! 😉 mais je sais pertinemment que je ne vais rien comprendre du tout, et passer complètement à côté.
Sachant qu’en plus, je lis souvent le soir (et m’endors sur mon bouquin, ciel je prends un coup de vieux !), je ne pense pas que ça va le faire. Il faut pour ce type de livres une attention aiguisée à chaque instant, que je n’ai pas du tout (et une culture du genre pas assez lourde non plus).
Gnomon comme d’autres livres (Anatèm ou Trop semblable à l’éclair) ce sont des livres exigeants et qui impressionnent. Après c’est ta curiosité qui peut te porter pour ce genre de lecture.
Je suis à peu près sure que je n’ai pas vu la moitié des références mais j’ai quand même apprécié le récit (enfin sa première partie).
Bon parès j’avoue le soir avant de se coucher, c’est pas le bon roman (trop dur de garder les yeux ouverts) XD
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