La ville peu de temps après de Pat Murphy

Il y avait un petit moment que je ne vous avez pas proposé une chronique d’un roman post-apo sur le blog, je suis sure que ça vous manquait XD Aujourd’hui, on va parler de La ville peu de temps après de Pat Murphy, un roman post-apocalyptique paru en VO à la fin des années 80. Pat Murphy est une autrice de l’Imaginaire multi-primée aux États-Unis mais dont peu de romans ont été édités en France, ce sont les éditions Les moutons électriques qui ont décidé d’éditer ce roman en début d’année.
J’ai eu la chance que ce livre me soit offert (c’était troooop gentil) et je l’ai lu en lecture commune avec cette même personne : merci encore Chloé ! Et c’est donc une chronique double que vous aurez à lire, l’avis de Chloé et le mien 😉

Après une pandémie qui n’a laissé qu’une maigre population, San Francisco est surtout peuplée d’artistes, rêveurs, de rebelles qui ont reconstruit une société libre et utopiste. De l’autre côté de la Baie, un militaire veut écraser ses sales hippies — mais la Ville elle-même aidera à le combattre, car elle exsude sa propre magie.

Avis de Chloé

Les Moutons Électriques ont lancé fin 2019 une campagne de financement participatif pour « Financer le futur » (c’est à dire les accompagner et surtout les soutenir dans leur changement de diffuseur-distributeur). Puis le COVID et la crise sanitaire sont passés par là, chamboulant les sorties littéraires et l’organisation des contreparties. Résultat des courses, 6 livres au lieu de 3 (je ne vais pas me plaindre !), dont un en double : La Ville peu de temps après, qui fait l’objet de cette double chronique. Anne-Laure, dont j’apprécie grandement les retours de lectures et les conseils (elle tombe toujours juste en ce qui me concerne !) m’ayant déjà octroyé de son côté deux livres à l’occasion de concours, il m’a semblé évident de lui proposer à mon tour ce roman, ce qui a abouti à une lecture commune.

Bref, trêve de bavardages, voici mon ressenti sur le livre : c’est une très bonne surprise. Il faut dire que je l’ai ouvert sans attentes particulières, voire avec une légère appréhension car ma dernière lecture post-apo (Apocalypse Blues pour ne pas la nommer) était plutôt traumatisante. Or ici, au contraire, Pat Murphy prône la non-violence, avec l’art comme arme de guerre (ou plutôt comme instrument de paix). L’écriture, très poétique, nous embarque dans un San-Francisco onirique, une ville plus vivante que jamais malgré la maladie qui a décimé la population : les quelques femmes et hommes qui y vivent encore cohabitent avec la faune, la flore et les œuvres d’art. La créativité de ces survivants est sans limite et c’est un réel plaisir d’imaginer cette exposition à ciel ouvert, complètement immersive.

Mon seul regret est de n’avoir pas assez de souvenirs de San Francisco pour profiter au mieux des descriptions. Ce qui est certain c’est que Pat Murphy aime sa ville ! Elle en fait d’ailleurs le personnage principal de son livre. Une ambiance un peu psychédélique, donc, pour évoquer des thèmes forts : la soif de pouvoir (de conquête) de certains qui s’oppose à la soif de liberté des autres (ou quand l’ordre n’aime pas l’anarchie) ; le prix de la paix (et le sens du sacrifice) ; la coopération ; la mort et le deuil…

Derrière le côté un peu « flower power » du récit, on ressent ainsi l’influence de la guerre froide (le livre a été écrit en 1989, et l’action fait suite, voire découle, de cette période). C’est une lecture riche en sensations (à défaut d’action diront peut-être certains -ce qui est vrai pour la première partie mais cela ne m’a pas du tout dérangée-), avec des personnages qui apparaissent comme des touches de lumière sur une peinture, apportant une nuance, un relief, et dont l’ensemble dessine un motif. Une lecture originale, et très agréable, que je ne peux que vous recommander.

Tigre était un artiste de la peau. Avec de délicates aiguilles et un appareil de tatouage qui ronronnait comme un chat sous amphétamines, il gravait de superbes images sur tous ceux qui le souhaitaient.

Avis d’Anne-Laure

San Francisco, 10 ans après une pandémie qui a décimé l’humanité. Plus de notion d’États-Unis ou même de nation, ce sont des petites communautés qui survivent avec peu de liens les unes avec les autres. A San Francisco, ce sont les artistes qui ont investi la ville. Une ville qui semble avoir sa volonté propre et qui accepte ou non les nouveaux venus.

Serait-ce déplacé de dire que j’ai eu la chanson de Maxime Le Forestier dans la tête tout le long de ce roman ? Peut-être mais ce serait pourtant vrai ! Il y a un certain écho entre ces deux œuvres.

Le récit commence parallèlement dans deux villes : San Francisco et les communautés regroupées autour de Sacramento. Une manière pour l’autrice de mettre en avant les différences de visions des habitants de ces deux villes jusqu’à ce que le récit se déroule entièrement à San Francisco qui attire finalement toute l’action. Parmi les multiples personnages que nous rencontrons dans un premier temps et dont l’autrice prend le temps de nous parler, c’est un personnage féminin qui va au fur et à mesure devenir central : une jeune fille, élevée par une mère ayant fui San Francisco, et qui pour tenter de sauver la ville va s’y rendre. Et pourtant la galerie de personnages est très riche et l’autrice prend le temps d’en présenter un grand nombre et ceci en nous expliquant leur passé et leurs inspirations.

En se réveillant et en découvrant que la femme avait disparu, Danny-boy avait paniqué. Il avait l’habitude du vide :des rues vides, des maisons vides, de la ville vide. Mais le vide de la chambre était bien différent. On aurait dit le silence soudain de quelqu’un qui cesse de chanter au beau milieu d’une chanson.

Pat Murphy nous propose un roman post-apo avec un coté « flower power » très présent et franchement plaisant. Comme pour le livre de M de Peng Shepherd, l’apocalypse est accompagnée d’une dose de Fantastique, un mélange rafraichissant qui, une nouvelle fois, me plait beaucoup. La ville de San Francisco a une âme propre et elle semble avoir pris son essors avec la disparition d’une grande partie de la population. J’aime beaucoup ce mélange des genres et la bienveillance qui ressort de cette communauté auto-gérée mais où chacun est libre de créer comme il lui plait. Un petit goût de Becky Chambers avant l’heure et un récit original dans l’océan de désespoir que sont souvent les romans post-apo.

Une étonnante idée aussi, celle que la guerre n’est pas inévitable et que même un combat peut-être artistique. On sent une inspiration issue de la guerre froide qui est toujours d’actualité au moment de la rédaction de ce roman et une volonté de l’autrice d’expérimenter en présentant au lecteur une autre voie : une voie où la malice, l’astuce, les trompes l’œil peuvent lutter à armes égales avec de vraies armes et éviter de (trop) nombreux morts.

Au final, La ville peu de temps après est peut être moins un post-apo qu’une utopie, un récit empreint d’humanité, de tolérance et d’une envie que les choses puissent évoluer différemment. Une ode aux artistes et à la beauté également toute comme à l’amitié et à l’amour. Le tout dans un récit équilibré et un roman qui n’a pas vieilli, une très belle lecture pour moi et la découverte d’une autrice inspirante.

12 commentaires

  1. Belle double chronique pour un livre qui semble sortir du lot. Les moutons électriques semblent souvent dégoter de jolies pépites ☺️

  2. Ah, ça c’est un post-apo d’un genre qui me parle. J’ai presque peur que ça soit trop utopique, mais sur le principe je prends forcement. ^^

    (tu feras attention, je crois que le titre sur ta couverture a déjà commencé à s’effacer 🙊)

  3. Citer Le livre de M et Becky Chambers sur un livre qui me faisait déjà très envie ne fait qu’ajouter à mon impatience de le découvrir! C’est vile :p

Laisser un commentaire