Ring Shout de P. Djèlì Clark

Après avoir lu Les tambours du dieu noir du même auteur, je m’étais laissé tenter par l’achat de Ring Shout aux Utopiales ayant aimé l’ambiance que l’auteur donné aux deux récits que j’avais d’ors et déjà lus. De plus Ring Shout était nommé aux Hugo et les éditions l’Atalante avait imprimées un bandeau rouge plein d’humour, ma curiosité était donc au maximum.

Macon, Géorgie. 1925.
Au sein du Ku Klux Klan, « sorcier » n’est pas qu’un titre : recourant à la magie noire, D. W. Griffith et Thomas Dixon ont fait de Naissance d’une nation un sortilège visant à moissonner les âmes pour invoquer des puissances maléfiques. Face au Klan et ses membres, peu à peu possédés par des monstres qui s’abreuvent de leur haine, se dressent des femmes extraordinaires.

Tout comme avec les deux textes du recueil les tambours du dieu noir, P. Djélì Clark nous propose de nouveau un récit à la croisée des genres de l’Imaginaire : entre uchronie, fantasy et fantastique. Pour ce nouveau texte, l’auteur nous plonge dans les années 20 en pleine ségrégation raciale dans le sud des Etats-Unis. On y rencontre trois femmes : Chef, Maryse et Sadie qui prépare une embuscade sur un toit à l’aide d’une carcasse de chien posée bien en évidence dans la rue en contrebas. Alors qu’un défilé du Ku Klux Klan se déroule non loin de là, trois adeptes s’approchent du cadavre, il devient rapidement évident qu’ils ne sont pas vraiment humains : monstres, démons ou extraterrestres, ils semblent s’abreuver de la haine créée par le mouvement des suprémacistes blancs à la suite du succès du film : Naissance d’une nation de D. W. Griffith.

Les trois femmes combattent ces créatures : Chef, la vétérante de 1ère guerre mondiale avec ses explosifs, Sadie la snippeuse et Maryse et son épée magique au sein d’une organisation qui résiste devant la déferlante que représente le Ku Klux Klan surtout depuis l’annonce de la sortie d’un second opus de Naissance d’une nation.

Sauf que, comme je disais, moi, je chasse les monstres.
Et j’ai une épée chantante.
Elle vient à moi d’une pensée, d’une prière à demi chuchotée, surgissant du néant au creux de ma paume impatiente : une garde d’argent nimbée d’une fumée aussi fluide qu’un filet d’huile noire sur le point de goutter.

Partant de faits historiques, l’auteur nous dépeint une Amérique gangrénée par la haine de l’autre où le Ku Klux Klan, dans sa monstruosité, a permis à des entités surnaturelles de prendre pied dans notre réalité. L’idée est excellente, l’ensemble est construit pour être haletant et plein d’action. Ring Shout est une novella de moins de 200 pages qui arrive a créé une uchronie tout en adoptant les codes de la fantasy (élue, épée magique qui suit une destinée, bataille finale regroupant tous les protagonistes) en y insufflant une dose d’horreur lovecraftienne. Mais ce texte est aussi un magnifique portrait de femmes fortes et libres qui ont le courage de se battre pour leur communauté devant l’horreur d’une haine dont les racines s’enfoncent de plus en plus dans la société.

– Croyez qu’y a des Nègues là d’où qu’y viennent ?
– Sadie ! je l’interromps, mes minces réserves de patience épuisées. Dieu sait combien de fois j’tai dit d’arrêter de prononcer ce mot-là. Au moins en ma présence.
La mulâtre lève tellement les yeux aux ciel que je m’étonne de ne pas la voir tomber endormie.
– Qu’est-c’est que tu m’charres, Maryse ? J’mets toujours la majuscule à mes Nègues.
Je la fusille du regard.
– Qu’esse ça change ?
Elle a le toupet de me toiser comme si j’étais simple d’esprit.
– Passqu’avec la majuscule y’a du respect.
– Et comment qu’on sait, nous, si tu mets un N majuscule ou minuscule ? intervient Chef en venant à ma rescousse.
Sadie nous dévisage à présent toutes les deux, à croire qu’on connaît pas que deux plus deux font quatre.
– Pourquoi ça que j’dirais nègue en minuscule ? C’est insultant !

Un texte engagé, qui a déjà obtenu de nombreux prix (Locus, Nebula, BFA et GPI) ce que je comprends parfaitement. Pourtant, cette lecture n’a pas été un coup de cœur pour moi. Je ne peux que reconnaitre et saluer les indéniables qualités d’une novella hors des sentiers battus mais c’est aussi un récit dans lequel je n’ai pas réussi à rentrer et le plus frustrant je crois, c’est de ne pas arriver à savoir exactement pourquoi. Les personnages sont marquants avec beaucoup de profondeur : des survivantes qui vont de l’avant, c’est ce que je retiens le plus de ma lecture.

Encore une fois, les personnages féminins sont centraux dans le récit de P. Djélì Clark et teinte le récit de leurs humours et de leurs vécus mais le reste n’a pas réussi à m’embarquer. Dommage mais cette petite déception ne m’empêchera pas de continuer à lire l’auteur et notamment Le mystère du tramway hanté.

Au final, un excellent texte qui n’a pas réussi à me convaincre complètement (je ne suis pas à une contradiction près). Cependant, encore une fois, note spéciale à Mathilde Montier qui propose une traduction magistrale : bluffant.

Ring shout de P. Djeli Clark

Ring Shout de P. Djélì Clark
paru aux éditions l’Atalante dans la collection La dentelle du cygne
Traduction : Mathilde Montier
Illstration : Dorian Danielsen

3 commentaires

  1. Je comprends en partie ton ressenti, c’est un texte qui m’a – heureusement pour moi – gagné à sa cause au fil du temps, après un début un peu mitigé. Mais bon, y’a quand même une grande épée magique, c’est un argument indéniable en sa faveur. 😁

  2. Tout pareil pour moi et aussi pour la déception ressentie pour un bouquin que j’avais vraiment envie d’aimer. Je retenterai l’auteur à l’occasion cependant, en mode je n’ai pas dit mon dernier mot 😅

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