Les flibustiers de la mer chimique de Marguerite Imbert

Lors de la rentrée littéraire 2022, Albin Michel Imaginaire a proposé deux romans d’autrices francophones. Il y en avait un qui me tentait particulièrement : Les flibustiers de la mer chimique de Marguerite Imbert. Premier roman de l’autrice chez AMI et un roman post-apo, comment résister ?

Une folle odyssée sous des cieux aveuglants, sur des mers acides qui empruntent leurs couleurs à une délicieuse poignée de bonbons chimiques.
Tout commence par un naufrage. Ismaël, naturaliste de Rome, agonise sur un radeau de fortune quand il est repêché par le Player Killer, un sous-marin capable de naviguer dans les courants acides. Maintenant prisonnier des flibustiers de la mer chimique et de leur excentrique capitaine, Ismaël se demande comment réussir sa mission. Sur la terre ferme, la solitude n’a pas réussi à la graffeuse Alba – omnisciente ou presque. Bien qu’elle ait tendance à confondre les dates et les noms, elle est choisie pour incarner la mémoire des survivants. Dans une Rome assiégée par les flots toxiques de la Méditerranée, la jeune femme va apprendre à ses dépens que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.Et si, séparés par des milliers de kilomètres, ignorant tout l’un de l’autre, Ismaël et Alba cherchaient à percer la même énigme ?

L’apocalypse est passée par là et peu d’humains y ont survécu. Dans ce far-west qu’est devenu le monde, plusieurs factions ont vu le jour… jusque là rien de très original, on a déjà vu ça avec Mad Max ou les étoiles s’en balancent de Laurent Whale (très bon par ailleurs) et pourtant, Marguerite Imbert nous propose un roman tout sauf banal et cela tout en plaçant énormément de références à la pop culture, ce qui donne un gros gros plaisir de lecture.

Les flibustiers de la mer chimique doivent leur surnom au fait qu’ils écument la mer chimique pour dépouiller les rares navires qui sont encore à flot. Car mer chimique sous entend eaux peu accueillantes pour l’espère humaine. D’autant plus que les eaux sont maintenant infestées de Mats, sortent de Kaiju des mers prompts à emmener par le fond les plus malchanceux des marins. Ce qui fut le cas d’Ismaël envoyé de Rome, qui avec ces deux compagnons, se retrouvent seuls survivants du naufrage de leur navire pour cause de rencontre avec un Mat des plus imposant et qui ensuite est capturé par les flibustiers. S’en suit alors une quête à travers les océans pour trouver un trésor… ou juste des réponses.

Je ne sais pas vous, mais moi je me sens jugée. Je sais que nous nous sentions coupable autrefois. Je n’ai pas inventé la honte, encore que j’en serais capable. Quand le gouvernement de France lançait ses escadrons par douzaine pour expulser les écolos des sites qu’il voulait vendre ou exploiter, les militants criaient : La nature déteste les flics ! Ils passaient à côté de la vérité. La vérité, c’est que la nature déteste la race humaine.

Les flibustiers de la mer chimique est un roman post-apo déjanté et addictif qui propose de l’action, de l’humour, beaucoup d’autodérision et un récit hyper bien mené. J’ai été complètement captivée, du début à la fin, par le scenario dans lequel l’autrice nous projette. En alternant deux point de vues de personnages aux antipodes dans leur relation à l’apocalypse, le lecteur est amené à découvrir petit à petit les différentes facettes de ces sociétés post-apo ainsi que les miettes d’indices sur ce qui a causé l’apocalypse elle-même. Alors qu’Ismaël est un naturaliste de l’apocalypse voguant sur la mer chimique en mission secrète, Alba est une source de savoir encyclopédique que la dirigeante de Rome veut récupérer.

Avec une galerie de personnages marquants, toujours un poil déjantés : du Jack Sparrow en patins à roulette à la Nymphe spécialiste des drogues en passant par une Cassandre qui a trop abusée du LSD (j’ai trop pensé au personnage de Walter Bishop dans Fringe), Marguerite Imbert développe un récit en forme de chasse au trésor, qu’on identifie pas bien mais qu’on est impatient de trouver. Passant du rire à l’émotion entre dure réalité et forme d’utopie, c’est une lecture immersive. En plus des personnages, c’est aussi les décors, notamment celui de Rome et celui des grottes d’Alba qui m’ont énormément plu dans leurs descriptions et dans ce mélange des restes de la civilisation précédente sur lesquels tente de se bâtir la suivante.

Tu es sûr de ton avenir d’espion ? me chuchota Lori.
Non. Avant d’embarquer sur cet eskif, je pensais que l’Azote bleu était un mythe, qu’il y avait presque plus d’armes à feu en circulation, que les gens avaient cessé de s’entre-tuer. Je pensais arriver jusqu’ici pour apprendre le langage des arbres et le ramener à Judith. Crois-le ou non, je me sens largué.
Ca je te crois. Ne t’en fait pas trop, Is. Les naturalites sont plus utiles que jamais. Et au pire, quoi ? On meurt. Rien de grave.

Les flibustiers de la mer chimique c’est aussi découvrir que les animaux ont plus évolué que les humains : la principale menace sur l’Europe sont les meutes de chiens qui chassent les humains, que les plus faibles sont toujours les premiers à mourir sous la botte des gourous ou autre va-t-en-guerre et que s’il y a bien un truc qui a traversé les âges ce sont les drogues ! je ne veux pas vous en dire trop sur toutes les finesses de ce récit alors je vais m’arrêter là et j’ajouterai juste que ce roman est un gros coup de cœur !

Une plume acérée et un récit engagé qui fleure bon la pop culture pour une excellente lecture. Je recommande à tous ceux qui aiment le post-apo mais aussi à ceux qui pensent que le genre ne se renouvelle pas. Ce sera surement une de mes meilleures lectures de l’année (oui rien que ça 😉 ).

3 commentaires

  1. Pas d’inquiétude, on sent bien que tu as grandement apprécié ta lecture. ^^ J’espère bien qu’il en sera de même pour moi quand je le lirai, parce que je ne peux pas manquer de le lire un jour !

  2. Je l’ai commencé et vite abandonné, je n’arrivais pas à rentrer dedans. Mais je vais lui laisser une seconde chance, il n’y a pas de raison que je passe à côté !

  3. Cool que tu aies aimé ! J’aime aussi le post-apo en temps normal, mais j’ai moins accroché que toi pour le coup.

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