La cité diaphane d’Anouck Faure

Étant admirative du travail d’artiste d’Anouck Faure, j’ai été très agréablement surprise de savoir que son premier roman allait être publié aux éditions Argyll. Je précommande rarement mes livres mais j’ai fait exception pour cette sortie étant sure de vouloir le lire rapidement (en plus, j’ai eu droit à une belle gravure avec le roman).

Merveille architecturale élancée vers le ciel, Roche-Étoile a connu la splendeur et la chute. La cité sainte de la déesse sans visage est maudite, réduite à l’état de nécropole brumeuse depuis que les eaux de son lac et de ses puits se sont changées en poison mortel.
Sept ans après le drame, l’archiviste d’un royaume voisin se rend dans la cité défunte avec pour mission de reconstituer le récit de ses derniers jours. Mais il s’avère bientôt que Roche-Étoile abrite encore quelques âmes, en proie à la souffrance ou à la folie, et celles-ci ne semblent guère disposées à livrer leur témoignage.
Un jeu de dupe commence alors entre l’archiviste et ces esprits égarés, dans les dédales d’une cité où la vérité ne se dessine qu’en clair-obscur, où dénouer la toile du passé peut devenir un piège cruel.

Roche-Étoile est une cité à l’abandon. Placée sur un éperon rocheux, la cité sainte de la déesse sans visage n’est plus qu’un immense tombeau après que ses différentes sources se soient transformées, sans qu’on en connaisse la cause, en poison mortel. Sept ans après le drame, l’archiviste du Seigneur des Marches arrive au bord du lac pour découvrir l’origine du mal d’onde et ainsi conter les derniers jours de la cité.

La cité diaphane est un roman de Dark Fantasy qui nous emmène en quête de vérité ou du moins de réponses au sein des murs de la cité de Roche-Étoile. Cité Sainte mais aussi cité rempart entre les royaumes et le territoires des démons, les rois et reines de la cité diaphane sont à la fois les époux.ses de la déesse sans visage et les gardiens des territoires humains. Anouck Faure crée dès le début du roman une atmosphère très particulière : sombre, poisseuse et froide. Aucun personnage n’a de nom car les noms sont des armes pour les démons, on rencontre donc le forgeron, la jeune dame, le prince, etc… L’écriture est relevée, les mots sont ciselés et contribuent à cette belle ambiance gothique qui rend le roman intriguant dès les premiers chapitres.

Le lecteur est projeté, comme l’archiviste, dans une cité qu’il ne connait pas, rencontrant des personnages fuyants et peu tangibles, où chaque point d’eau est contaminé et où le seul habitant restant, le forgeron, s’avère aussi peu loquace que les archives royales. C’est un roman beau et sombre où les relations entre les personnages sont toujours ambiguës, trompeuses et où les apparences s’avèrent souvent traitres. On imagine la cité à la fois ici et ailleurs avec ses fantômes, ses secrets et ses malheurs.

Dussé-je vivre mille ans, je n’oublierai jamais mon arrivée à Roche-Etoile. La cité florissante se parait de roses blanches et de pales bourgeons de pommiers. Un soleil pur enluminait d’or les tours effilées du sanctuaire. Dans son écrin de montagnes, la cité de la déesse sans visage semblait recevoir du ciel toutes les bénédictions. Un tableau qui m’apparait peut-être d’autant plus niaisement idyllique que les ombres des démons envahissaient alors le moindre recoin, à moins que ma propre fascination débordante n’ait magnifié mon souvenir

La construction du roman est ingénieuse et permet au lecteur d’être tout d’abord décontenancé puis de lui offrir des réponses petit à petit jusqu’aux révélations finales sur les mystères de la cité et de sa lignée royale. J’avoue que le rythme du récit en pâti un peu, mais j’ai aimé qu’il ne soit pas chronologique. Je pense que l’on ressent la manière dont le récit a été construit lors de la lecture : tout d’abord nouvelle, c’est un texte qui s’est construit au fil des réécritures et cela se retrouve dans le rythme des scènes.

A présent la vérité est dite. Je vais mourir, Roche-Etoile va se libérer de mon emprise et retrouver ses eaux claires. La nouvelle atteindra Lune-Argent et sans doute bientôt les Marches. Tous sauront quel fut le destin de notre cité, et ce que moi, j’accomplis pour l’anéantir. On se souviendra de moi, de nous. Cela me sembla approprié, à défaut d’être satisfaisant.

Je garde de ma lecture une très forte impression à propos de l’ambiance et de la construction des relations entre les personnages. C’est glauque et poisseux, sombre et souvent triste car Roche-Etoile semble attiré le malheur à chaque instant. Roman aux multiples visages comme son personnage principal, La cité diaphane est, sans être parfait, un beau premier roman qui colle beaucoup au travail de gravure d’Anouck Faure. Il est d’ailleurs agrémenté de plusieurs illustrations qui retranscrivent joliment cette atmosphère torturée. Une belle lecture.

6 commentaires

  1. Merci pour cette belle critique. Tu me donnes envie de m’y plonger, mais je reste inquiet devant cette noirceur que tu n’es pas la seule à mettre en avant. En ce moment, je n’ai pas envie de ça. Je le garde donc pour plus tard.

  2. Merci pour cette chronique, le côté sombre me tente bien. Je suis moins emballée par le côté narratif singulier, ma dernière expérience avec un style particulier (Paideia) n’a pas été une réussite. Je le note tout de même, il ne faut jamais resté sur une mauvaise expérience

  3. Pas sûr que le ton me plaise mais ça a l’air d’être un superbe livre (j’ai toujours du mal à résister aux livres illustrés 😅)

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