Le monde de Julia de Ugo Bellagamba et Jean Baret

Ugo Bellagamba et Jean Baret ont écrit à quatre mains, à partir d’une idée d’Ugo Bellagamba, le court roman Le monde de Julia. Jean Baret est avocat et Ugo Bellagamba, historien du droit, autant dire que la rencontre entre ces deux écrivains semble dès plus naturelle.

Le monde s’est fracturé en une multitude de tribus qui tentent, à leur manière, de reproduire des schémas permettant de faire société. Chacune d’elle croit en ses règles, issues de romans ou de films, et les conflits sont légion.
Éloignée du chaos ambiant, Julia vit dans la montagne avec sa nourrice. Au décès de cette dernière, elle décide de retrouver ses parents qui, quelques années auparavant, l’ont abandonnée pour la protéger. Commence alors un voyage philosophique accompagné d’un faucon qui deviendra son tuteur et l’initiera à l’esprit des lois.
Dans le même temps, un groupe de chercheurs tente des expériences sur les tribus voisines pour comprendre et dessiner ce qui constituera la première pierre d’une société parfaite.

Dans une France post-apocalypse, Julia et son robot Roland-17 vivent dans la montagne proche d’une ancienne station de ski. Abandonnée par ses parents aux bons soins du robot, Julia grandit entre randonnées, dessins et études. Roland_17 est à la fois le professeur et le gardien de la fillette de 10 ans.
D’un autre côté, nous rencontrons Darius puis son frère Artaban, membres du clan des laboratoires, travaillant sur des projets concurrents. A l’occasion de sorties hors de leur cache souterraine, ils nous font découvrir les clans qui pullulent au sein de la métropole.

Le monde de Julia est un court roman qui explore des concepts philosophico-juridiques sur deux lignes narratives. Pendant une grande partie du récit, les lignes narratives ne semblent avoir qu’un seul point commun : le monde post-apocalypse dans lequel les personnages évoluent. Avec Julia nous découvrons un récit d’apprentissage où la jeune fille manie les concepts de liberté, d’égalité et de droit. En suivant Darius, dans les profondeurs de la métropole, c’est une plongée droit dans un univers de micro-sociétés dont les lois sont issues de nos romans de SF.

Les lois sont partout, pourtant leur esprit a disparu. Un clan comme celui des Brazil 1138 etouffe sous une législation monstrueuse, dont le but n’est pas tant de réguler les citoyens, de leur offrir un espace de vie commun, que de les contrôler et de les entraver. Car la loi peut être un instrument de liberté tout autant que de répression. Brazil 1138 est un exemple classique de positivisme juridique : on réfute l’existence d’un droit idéal, d’un droit naturel : seul le texte de loi prévaut, c’est à dire la norme sanctionnée par la puissance publique.

Un roman construit en une suite de courts chapitres alternants deux points de vues comme deux prismes par lesquels les deux auteurs nous font découvrir leurs réflexions sur ce que sont les piliers de la société. Le lecteur passe de situations absurdes à des réflexions éclairées sur les concepts juridiques. Ce court roman est un voyage initiatique dans un futur peu reluisant. Sans connaitre le pourquoi ni le comment, il est une simple parenthèse de réflexion sur le devenir d’une société ayant perdu ses repères et qui en chercherait d’autres dans le moindre livre à sa disposition.

« Je n’ai pas été abandonnée, dit Julia vaguement en colère. Ni exposée, comme aux âges les plus obscurs de la Grèce. J’ai choisi, par ma seule volonté, par la liberté que j’ai conquise., de me détourner d’une société injuste ! J’ai affronté la montagne, en marchant pieds nus et en mangeant des racines ! J’ai traversé des cols et des rivières, supporté le froid et la peur ! Et ce n’est pas une sorte de fantôme invisible, aux expressions désuètes, qui va me faire doute. Reprends donc ton errance solitaire !
Allez, vas-y, dégage ! »

C’est un texte étonnant, instructif et bien ficelé. Une lecture qui sort des sentiers battus par ses réflexions et son écriture. Agréable à lire, c’est un roman qui correspond bien à la collection Mu, qui regroupe beaucoup de titres atypiques.

3 commentaires

  1. Qu’est-ce que je l’ai aimé ce bouquin. Je l’ai d’ailleurs acheté aux Utopiales après l’avoir lu en numérique, et d’avoir entendu parler les deux auteurs et discuté avec eux, ça m’a confirmé que vraiment, j’ai aimé ce bouquin. D’utilité publique, moi je dis.

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