Unity d’Elly Banks

Depuis sa création, j’apprécie énormément les romans que publie Albin Michel Imaginaire. J’y ai fait d’excellentes découvertes et j’ai eu de très beaux coups de cœur. Pourtant j’avoue qu’à sa sortie Unity d’Elly Banks était passé sous mon radar. Je l’ai lu cette année pour le Prix Planète SF 2023 et j’ai bien fait.

Danaë est unique. Danaë est multiple.
Elle a trouvé le moyen de compiler en elle d’autres existences que la sienne, douze mille ans d’expériences humaines diverses. Comment ? C’est son inestimable secret. Piégée dans la cité sous-marine de Bloom City, à la veille d’une énième guerre mondiale, elle cherche un moyen d’échapper à ses propriétaires : le clan Méduse, une bande d’excités de la machette, tatoués et scarifiés. Elle n’a que trois jours devant elle pour rejoindre Redhill, sur la terre ferme. Trois jours pour se rendre à un rendez-vous dans le néo-désert dont dépend rien de moins le futur de l’humanité. Alexeï, un mercenaire, pourrait l’aider, mais elle ignore s’il est digne de confiance. Aux marches du désespoir, fatiguée, menacée de toutes parts, Danaë ira jusqu’au bout de ses convictions, car son secret ne doit pas tomber dans de mauvaises mains.
Jamais.

Dans un avenir que l’autrice imagine très sombre, les USA se sont délités, la nature dépéris et les rares humains restant se regroupent au sein de communautés dominées par des mafias. Dans ce monde en décomposition, les technologies sont omniprésentes et permettent notamment à des cités états sous-marines de survivre. C’est dans une de ces cités, sous le joug du clan Méduse, que nous rencontrons Danaë, Naoto et Alexeï. La première cherche à quitter la cité, le deuxième à la suivre n’importe où et le dernier espère une raison de vivre quelques jours de plus. Un trio pas si improbable que ça, guidé par une ange gardien du réseau.

Premier roman de l’autrice, Unity est un roman cyberpunk percutant. Une vision pessimiste du futur où une apocalypse lente dévore le monde. Mais une apocalypse technologique aussi où l’Homme n’en finit pas d’innover pour continuer à se détruire. L’ambiance n’est donc pas rose. Et dans ce marasme, Danaë est elle aussi un mystère : sa mémoire, sa personnalité sont faites de centaines d’autres personnas, 12000 ans d’expériences et de souvenirs tel un gestalt humain. Mais Danaë n’est pas entière, elle a été séparé depuis trop longtemps du reste de ses « moi » et ne pense qu’à une chose : retrouver son intégrité.

Dans un autre monde, nous aurions pu être simplement amoureux. Peut-être aurions-nous pu être une seule personne. Dans cet univers-ci, j’étais trop brisée pour la première possibilité et trop maudite pour la seconde.

Là où il n’y aurait pu y avoir qu’un road movie à la Mad Max, Elly Banks nous plonge plutôt dans une recherche du soi, de sens, devant l’irrationalité d’une humanité mourante mais qui ne l’a pas encore intégré. Elle nous propose une autre manière de voir l’avenir de l’humanité où les questions de genre, de couleur de peau ou d’origine ne serait rien devant ce que l’individu peut apporter au groupe. En lisant Unity, j’ai un peu pensé au roman de Theodore Sturgeon, Les plus qu’humains : l’idée du gestalt où chacun est plus que la somme de tous me fascine et le coté cyberpunk qu’y ajoute Elly Banks fonctionne vraiment très bien.

C’est le premier souvenir qui me revient quand je commence à prendre cohérence dans l’unité : une femme qui, depuis une balustrade, baisse les yeux sur les cuves tout au fond de Bloom City… et une homme qui, dans les toilettes exigües d’un transport aérien, regarde dans le miroir en plastique rayé son reflet pointer un pistolet à ondes sur sa tête.

Alors que ce roman était complètement passé sous mon radar, je suis contente de l’avoir finalement lu. C’est un très beau premier roman, un très bon roman de cyberpunk teinté de post-apo et clairement une nouvelle autrice de SF à suivre. Malgré un univers foncièrement très noir (oui j’insiste un peu… il y a des moments durs), j’ai beaucoup apprécié la lueur d’espoir que l’autrice arrive à faire transpercer au fur et à mesure que l’on découvre l’histoire de son personnage principal. C’est, en effet, avant tout, un récit très humain, malin, qui confronte le lecteur à l’effondrement plausible (possible aussi) de notre société, tout en voyant dans l’humain et la technologie une porte de sortie. Voilà, j’ai beaucoup aimé, lisez Unity !

Unity d’Elly Banks

paru aux éditions Albin Michel Imaginaire
Traduction : Gilles Goullet
Illustration : Aurélien Police

8 commentaires

  1. Les jurés, premiers bénéficiaires des prix littéraires. ^^
    « j’ai beaucoup apprécié la lueur d’espoir » : un vrai bon point pour le livre.

  2. Ah cool ! J’avais beaucoup hésité l’année dernière à craquer, mais des avis un peu négatifs m’avaient refroidi, mais finalement, la thématique devrait quand même bien me parler.

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