đŸ–€ Au bal des absents de Catherine Dufour

Depuis que j’ai lu Ada ou la beautĂ© des nombres (que je n’ai pas encore chroniquĂ© sur le blog mais il ne faut pas dĂ©sespĂ©rer) et Entends la nuit de Catherine Dufour, je suis curieuse de dĂ©couvrir plus de romans d’une des rares autrices françaises dont les livres de SF ont Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©s par des prix littĂ©raires francophones (cf mon article sur les prix littĂ©raires de l’Imaginaire : quelle place pour les autrices? ). La sortie de Au bal des absents aux Ă©ditions du Seuil a Ă©tĂ© l’occasion de continuer cette exploration dans un autre registre : le Fantastique horrifique.

Claude a quarante ans, et elle les fait. Sa vie est un dĂ©sert Ă  tous points de vue, amoureux et professionnel ; au RSA, elle va ĂȘtre expulsĂ©e de son appartement. Aussi quand un mystĂ©rieux juriste amĂ©ricain la contacte sur Linkedin – et sur un malentendu – pour lui demander d’enquĂȘter sur la disparition d’une famille moyennant un bon gros chĂšque, Claude n’hĂ©site pas longtemps. Tout ce qu’elle a Ă  faire c’est de louer la villa « isolĂ©e en pleine campagne au fond d’une rĂ©gion dĂ©peuplĂ©e » oĂč les disparus avaient sĂ©journĂ© un an plus tĂŽt. Et d’ouvrir grands les yeux et les oreilles. Pourquoi se priver d’un toit gratuit, mĂȘme pour quelques semaines ? Mais c’est sans doute un peu vite oublier qu’un homme et cinq enfants s’y sont Ă©vaporĂ©s du jour au lendemain, et sans doute pas pour rien.
Une famille entiĂšre disparaĂźt, un manoir comme premier suspect. Entre frissons et humour Au bal des absents est une enquĂȘte rĂ©jouissante comme on en lit peu.

Je sens qu’il va encore ĂȘtre difficile de vous faire comprendre dans ma chronique Ă  quel point ce roman est rĂ©ussi mais j’essaye (vous me dirais en com’ si ça vous donne envie de dĂ©couvrir l’autrice Ă  travers ce roman ou de lire le roman tout simplement).

Claude a quarante ans, elle vit seule et, aprĂšs avoir Ă©tĂ© licenciĂ©, elle arrive maintenant en fin de droits et est donc obligĂ©e de quitter son logement qu’elle ne peut plus payer. Quelques jours avant son dĂ©part, elle est contactĂ© via linkedIn, par un juriste amĂ©ricain qui lui propose, moyennant finance, de mener une enquĂȘte pour son compte sur la disparition, en province, d’une famille amĂ©ricaine. Sans autre perspective, Claude accepte. Elle loue sur AirBnB la mĂȘme maison qu’occupait la famille disparue et se rend sur place.

Patelin rural atteint et maison trouvĂ©e, la premiĂšre nuit de Claude va se rĂ©sumer Ă  la plus grosse peur de toute sa vie. Devant un phĂ©nomĂšne qui la terrifie, Claude va se retrouver devant un choix : capituler et partir ou rester et se battre. Dis comme cela, ça peut paraitre un poil va t’en guerre mais c’est bien le choix qui va s’offrir Ă  Claude et le plus intĂ©ressant va justement ĂȘtre de la suivre dans ce cheminement.

Le dĂ©sespoir, c’est un luxe . Tu n’as pas les moyens. La mĂ©chancetĂ© du monde, elle avait l’habitude. Le monde, au fond, n’avait jamais attendu d’elle qu’une chose : qu’elle disparaisse. Pire : qu’elle n’existe pas.

Catherine Dufour a une plume incisive et un humour mordant. Son personnage principale Claude est une battante, une femmes cabossĂ©e par la vie qui, au bord du gouffre, se rĂ©vĂšle une hĂ©roĂŻne pour elle-mĂȘme se battant pour ne pas sombrer, pour exister. L’Ă©criture de l’autrice dans ce livre est d’un rĂ©el troublant mais aussi percutant et parfois dur. Vivre, euh… lire la vie de Claude entre grande prĂ©caritĂ©, solitude glaçante, formations Pole Emploi infantilisantes et sentir ce prĂ©cipice dans son existence si proche quand plus rien ne vous retient, ça prend aux tripes. Mais lĂ  oĂč Catherine Dufour est particuliĂšrement douĂ©e c’est qu’on ne tombe pas dans le pathos. Claude a des difficultĂ©s mais elle est aussi extrĂȘmement rĂ©siliente et dĂ©brouillarde et il en va de sa survie alors elle ne va pas laisser un fantĂŽme se mettre entre elle et la possibilitĂ© d’avoir un toit sur la tĂȘte.

Claude ne pouvait cependant pas s’empĂȘcher de sourire comme une miraculĂ©e. Ah ! Le pouvoir de l’agent. Elle choisit un Campanile Ă  61 euros, vue sur jardin, articles de toilette, chambre antiallergies et bouilloire Ă©lectrique. L’argent, c’est la vie.

Entre hommage aux histoires de maisons hantĂ©es et de revenants, aussi bien filmographiques que littĂ©raires et fresque pleine de cynisme et de justesse de la sociĂ©tĂ©, Au bal des absents est un rĂ©cit bluffant. L’humour noir de l’autrice, un personnage attachant (magnifique preuve qu’un personnage fĂ©minin n’a pas besoin d’ĂȘtre une bombe de 20 ans pour ĂȘtre attachante) et une histoire immersive font de ce court roman, un page turner addictif. MĂȘme si vous ĂȘtes, comme moi, une poule mouillĂ©e qui prĂ©fĂšrera lire de jour plutĂŽt que de nuit. Et si vous vous posez la question : oui j’ai eu les chocottes !!

Vous l’aurez compris, j’ai adorĂ© ce roman qui se classe parmi mes coups de cƓur de 2020. Je ne peux que vous le conseiller si :

  • vous aimez avoir peur,
  • vous aimez les romans qui claquent avec une part de WTF,
  • vous voulez dĂ©couvrir une incroyable autrice française de l’Imaginaire.

14 commentaires

  1. « oui j’ai eu les chocottes » : pile quand certaines personnes avaient enfin rĂ©ussi Ă  me convaincre que ce n’Ă©tait pas si effrayant que ça et que je pouvais le tenter sans trop de problĂšme. >.<
    Mais bon, c'est quand mĂȘme Catherine Dufour, alors je vais essayer d'ignorer cette partie de ton billet. =P

  2. Tu donnes envie de le relire mĂȘme!
    Contente de voir que tu l’as aussi adorĂ©. Et moi aussi j’ai eu les choquottes. Je l’ai commencĂ© un soir toute seule j’en ai fait de sales rĂȘves xD.

  3. C’est pas forcĂ©ment mon genre prĂ©fĂ©rĂ© mais tous vos retours donnent bien envie, je vais finir par y jeter un oeil.

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