La nuit du faune de Romain Lucazeau

Deuxième roman de la rentrée littéraire 2021 pour moi, La nuit du faune de Romain Lucazeau est un roman de science-fiction renversant qu’Albin Michel Imaginaire nous propose en ce début de mois de Septembre.

Au sommet d’une montagne vit une petite fille nommée Astrée, avec pour seule compagnie de vieilles machines silencieuses. Un après-midi, elle est dérangée par l’apparition inopinée d’un faune, en quête de gloire et de savoir. Mais sous son apparence d’enfant, Astrée est en réalité une très ancienne créature, dernière représentante d’un peuple disparu, aux pouvoirs considérables.
Le faune veut appréhender le destin qui attend sa race primitive. Astrée, pour sa part, est consumée d’un mortel ennui, face à un cosmos que sa science a privé de toute profondeur et de toute poésie.
A la nuit tombée, tous deux entreprennent un voyage intersidéral, du système solaire jusqu’au trou noir central de la Voie Lactée, et plus loin encore, à la rencontre de civilisations et de formes de vies inimaginables.

Cette chronique-ci est particulièrement difficile à écrire pour moi. Vous devez tout d’abord savoir que Romain Lucazeau propose aux lecteurs un roman exigeant. 250 pages d’un récit aux frontières de la compréhension humaine où l’auteur nous guide à la suite de personnages hétéroclites à travers la galaxie et plus encore. Et pour ce récit, l’auteur choisit de mélanger poésie, hard SF et conte philosophique. On est loin du page turner mais on est prêt d’un roman classique, autant dire un roman comme on en voit rarement.

Astrée est une enfant vivant seule dans un refuge sur la montagne. Entourée de machines , elle observe. Un après-midi alors qu’elle lit près de l’étang, un faune la rejoint dans son domaine avec un vœu : le savoir, la connaissance.

« Vous avez cru que je venais des étoiles. Cela signifie que certains êtres de chair peuvent y résider. Voilà ce que je veux. Pas pour moi pour mon peuple.Le savoir, la connaissance. Et avec cela, le pouvoir, car les deux vont de pair. »

Une demande qui va être le précurseur d’un voyage. Astrée étant plus que son apparence ne laisse soupçonner : une ancienne âme dans un corps d’enfant, ce voyage se fera parmi les étoiles avec pour but une recherche de compréhension sur la vie, l’univers et l’avenir de chaque race pour l’un et de révélation pour l’autre.

« Je cultive un espoir : que le monde s’offre à mon regard à nouveau, et qu’il m’emplisse, qu’il me change, que sous son apparence de machine, je perçoive une musique, l’écho d’une lointaine beauté, une grâce éphémère, un désordre dans l’enchainement et la répétition.

A partir de la Terre, le duo va dans un premier temps visiter le système solaire puis la galaxie. Un voyage aux confins du cosmos avec la vie et ses cycles comme guides pour une épopée au-delà de l’imagination. Un cheminement qui questionne sur l’impermanence des civilisations et sur l’éternelle recommencement des cycles naturels. L’érudition aussi bien scientifique que littéraire mise en avant par l’auteur dans La nuit du faune est assez vertigineuse. Des théories cosmologiques pointues aux questionnements sur le sens de la vie, Romain Lucazeau propose au lecteur un récit ambitieux, exigeant et bourré de sense of wonder.

Il fallait abandonner la couleur, l’odeur, la texture et le bruit, en faire des qualités secondes d’une substance, les décrire en termes de longueur d’onde, processus chimique, ou structure de surface, oublier la substance comme artifice de l’esprit primitif, séparer l’idée d’évènement des notions d’acte et de signal, y voir un vide aveugle décidé par un grand architecte aux plans incompréhensibles, congédier celui-ci, plonger ses sens dans un grand néant mécaniste, sans début ni fin, décrire les lois élémentaires mêmes que l’expérimentation constate comme les éléments contingents, dépendants de la position de l’observateur au sein de l’ensemble des variantes cosmiques possibles.

Personnellement, ce roman m’a laissé deux sentiments très différents : le premier fut une sensation de grandeur, d’une plongée au sein d’un infini de possibilités, aussi bien dans le temps que dans l’espace, qui m’ont emballé. J’ai trouvé les thèmes abordés extraordinaires et le coté Hard SF mélangé à cette quête de sens que les protagonistes entreprennent fascinant. Le second fut une impression d’éloignement par rapport au récit, de ne jamais arriver réellement à m’y sentir à ma place. Il en ressort pour moi après ma lecture, un sentiment très mitigé et l’impression d’être passé à coté d’une partie du récit.

« Peut-être à sublimer en encens ce désastre,
Tant d’avenir péris se dissipant en ce
Bouquet floral,ô Faune, tressé d’inexpérience.
Sans quoi, de me flétrir en mainte exploration,
Le devrais-je accepter, et sans déploration ?
Où rêverais-je encore la fortune des astres ? »

La nuit du faune a tout du classique littéraire, la plume de Romain Lucazeau navigue poétiquement entre les étoiles, de concepts scientifiques pointus en questionnement philosophique le tout avec une plume aux envolées lyriques impressionnantes. Il est indéniable que ce roman est réussi mais personnellement ce n’est pas un roman pour moi. J’espère que cette chronique vous permettra de savoir s’il pourra vous plaire à vous.

Vous pouvez également écouter l’épisode du podcast C’est plus que de la SF consacré à Romain Lucazeau et à son nouveau roman :

Ainsi que l’épisode de La méthode scientifique :

#SSW
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11 commentaires

  1. Pour moi, tu as parfaitement réussi à trouver les mots de ce roman effectivement vertigineux et déroutant tant il est loin de nos habitudes de lecture. Perso j’ai adoré ce lâché dans l’inconnu/connu mais je peux comprendre que ce ne soit pas le cas de tous.
    Si t’as l’occasion écoute le podcast du passage de Lucazeau dans la méthode scientifique d’hier, c’est éclairant 😉

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